Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/449

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« Dieu le bénisse ! » et des larmes vinrent mouiller ses yeux ; car il dit que Tom, après lui avoir inspiré d’abord de la méfiance et de l’antipathie, était venu rafraîchir son cœur comme la pluie d’été, et l’avait disposé à croire à la vertu. Et Martin prit la main de Tom ; puis ce fut Mary ; puis John, son vieil ami, qui la lui secoua cordialement ; puis Mark ; puis Mme Lupin ; puis sa sœur, la petite Ruth. Et la paix intérieure, la paix profonde et tranquille, régnait dans l’âme de Tom.

Le vieillard rappela ensuite avec quelle noblesse d’âme M. Pecksniff avait rempli son devoir envers la société, dans l’affaire du renvoi de Tom ; et comment, ayant souvent entendu sortir de la bouche de M. Pecksniff des paroles de dénigrement à l’endroit de M. Westlock, et sachant que John était l’ami de Tom, il s’était servi, au moyen de son avoué, d’un petit artifice pour préparer Tom à recevoir l’ami inconnu qui allait arriver à Londres. De plus, il somma M. Pecksniff (il ne l’appela pas Pecksniff, il l’appela coquin) de se rappeler qu’il ne l’avait nullement attiré dans un piège pour l’entraîner à faire le mal, mais que c’était bien de sa propre volonté, qu’il l’avait fait de son propre mouvement, et malgré les avis qu’il avait reçus de son hôte en sens contraire. Une fois encore il somma M. Pecksniff (cette fois il l’appela chien pendu) de se rappeler que, lorsque son petit-fils s’était présenté chez lui, vers ces derniers temps, pour solliciter le pardon qui l’attendait, c’était encore lui, Pecksniff, qui l’avait repoussé avec une dureté de langage qui n’appartenait qu’à lui, et s’était interposé sans remords entre le suppliant et la tendresse légitime de son grand-père.

« C’est pourquoi, ajouta le vieillard, s’il suffisait d’un mouvement de mon doigt pour écarter la corde de votre cou, je ne remuerais pas mon doigt ! … Martin, vous n’aviez pas là un rival dangereux ; cependant, Mme Lupin, que voici, a rempli le rôle de duègne durant quelques semaines, non pas tant pour protéger votre amour que pour surveiller le galant de Mary : car autrement cette goule (il avait une incroyable fécondité d’expressions pour désigner M. Pecksniff) eût rampé chaque jour dans les promenades que recherchait Mary, pour souiller l’air pur qu’elle allait respirer. Qu’est-ce qu’il y a ? La main de Mary tremble singulièrement. Voyez, Martin, si vous pouvez la tenir. »

La tenir ! Si le jeune homme la serra comme il serrait la taille de Mary, il la tint bien allez !