Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/450

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Par exemple, ce qui était bien de sa part, c’est que, même en ce moment, au sein de sa haute fortune et de son bonheur, et quand il pressait contre son cœur cette adorable jeune fille, il eut encore une main à tendre à Tom Pinch.

« Ô Tom ! cher Tom ! je ne vous ai revu qu’accidentellement en venant ici. Pardonnez-moi !

– Vous pardonner ! s’écria Tom. Jamais de ma vie je ne vous pardonnerai, Martin, si vous dites un mot de plus à ce sujet. Soyez heureux tous deux, mon cher ami, mille fois heureux ! »

Heureux ! … Il n’y avait pas une bénédiction sur terre que Tom ne leur eût souhaitée ; il n’y avait pas une bénédiction sur terre que Tom n’eût versée sur eux, s’il l’avait pu.

« Je vous demande pardon, monsieur, dit M. Tapley en s’avançant un peu ; mais tout à l’heure, monsieur, vous avez fait allusion à une dame du nom de Lupin.

– En effet, répondit le vieux Martin.

– Oui, monsieur. Un joli nom, n’est-ce pas, monsieur ?

– Un nom parfait, dit le vieillard.

– Ne serait-ce pas une chose pitoyable que de changer un si beau nom en celui de Tapley ?

– Cela dépend des idées de la dame. Quelle est son opinion ?

– Eh bien ! monsieur, dit Tapley en se retirant avec une salutation du côté de la florissante hôtesse, son opinion est que, si elle ne peut pas gagner au change en prenant le nom de l’individu, l’individu y gagnera beaucoup. En conséquence, « si personne n’y connaît d’empêchement légitime, etc., » le Dragon bleu sera converti en Joyeux Tapley. C’est une enseigne de mon invention, monsieur. C’est très-neuf, très-alléchant et très-expressif ! »

Tout ce qui se passait était tellement agréable à M. Pecksniff, que notre vertueux architecte restait toujours dans la même position, les yeux fixés sur le plancher, se tordant alternativement les mains, comme si c’était autant de sentences capitales qui pleuvaient sur lui. Non-seulement sa personne paraissait complètement affaissée, mais encore la déconfiture semblait s’être étendue jusqu’à son costume. On eût dit que ses habits étaient devenus plus usés, son linge plus jaune, ses cheveux plus plats et plus défaits ; ses bottes même avaient quelque chose de terne et de sale, comme si tout leur éclat s’était évanoui avec celui de leur maître.