Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/454

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« Regardez-le ! … s’écria le petit barbier frénétique. C’est lui ! … Ça sera bientôt passé, et alors il sera aussi bien qu’autrefois. Il n’est pas plus mort que moi. Il est, ma foi ! alerte et bien vivant. N’est-ce pas, Bailey ?

– Rrr-réellement oui, Poll ! répondit ce gentleman.

– Voyez ! s’écria le petit barbier riant et pleurant à la fois. Tenez ! comme il va droit, quand je lui donne la main ! Là ! le voilà parti tout droit, comme un homme ! Pas plus de bobo que sur la main ; un coup qui l’a étourdi et voilà tout ! N’est-ce pas, Bailey ?

– Rrr-réellement un fameux coup, Pol ; rrr-réellement ! dit Bailey. Eh quoi ! ma charmante Sairey ! vous voilà ici !

– Quel garçon ça fait ! s’écria le sensible Poll en sanglotant sur l’épaule de Bailey. Jamais je n’ai vu son semblable ! C’est toujours le même entrain. Il en est rempli. Je veux en faire mon associé dans mon commerce. J’y suis décidé. Nous formerons la maison Sweedlepipe et Bailey. Il aura la partie du sport (pour laquelle il est créé et mis au monde), et moi j’aurai le département des barbes. Je lui confierai les oiseaux aussitôt qu’il sera assez bien pour s’en occuper. Il aura le petit bouvreuil et tout le reste. C’est un garçon si extraordinaire ! Je vous demande pardon, messieurs, mesdames, mais j’avais pensé qu’il y avait ici quelqu’un qui pouvait le connaître. »

Mme Gamp avait remarqué, non sans une certaine pointe de jalousie et de dédain, qu’on paraissait favorablement disposé à l’égard de M. Sweedlepipe et de son jeune ami, et que par suite elle n’était plus qu’en seconde ligne. Aussi voulut-elle essayer de revenir au premier plan en expliquant de la manière suivante sa petite affaire :

« Pour lors, monsieur Chuzzlewit, il est sûr et certain que mistress Harris a un doux petit enfant (bien qu’elle ne désire pas qu’on le sache) de sa propre famille, du côté de sa mère, lequel est renfermé dans un bocal d’esprit-de-vin ; et ce doux enfant, elle le vit à la foire de Greenwich voyageant de compagnie avec la dame aux yeux rouges, le nain prussien et le squelette vivant qui devine les pensées de la dame, avec accompagnement d’orgue de Barbarie ; si bien donc qu’on lui montra l’enfant de sa propre chère sœur, et elle ne s’y attendait guère, la pauvre chère femme, d’après le tableau du dehors, où il est peint au contraire vivant, grand comme père et mère et pinçant de la harpe, comme s’il avait pu seulement ja-