Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/455

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mais connaître ni pratiquer cet instrument, le pauvre chéri : puisqu’il n’a jamais soufflé, ce n’était pas pour parler, dans cette vallée de misère ! Et mistress Harris, monsieur Chuzzlewit, m’a fréquentée depuis bien des années et peut vous apprendre que la dame qui est tombée en veuvage ne peut rien faire de mieux et pourrait faire pis que de me prendre à son service, avec la permission de l’aimable société que je vois devant moi.

– Oh ! dit M. Chuzzlewit, est-ce là tout ce que vous demandez ? A-t-on payé cette bonne dame pour les peines que nous lui avons données ?

– Je l’ai payée, monsieur, et largement, répondit Mark Tapley.

– Le jeune homme est véridique, dit Mme Gamp, et je vous remercie affectueusement.

– Alors nous en resterons là de notre connaissance, mistress Gamp, reprit M. Chuzzlewit. Quant à vous, monsieur Sweedlepipe… N’est-ce pas ainsi que vous vous appelez ?

– C’est mon nom, monsieur, répondit Poll, recevant avec un débordement de reconnaissance quelques pièces sonores que le vieillard lui glissa dans la main.

– Monsieur Sweedlepipe, veillez bien sur votre locataire, et donnez-lui de temps en temps un mot ou deux de bon conseil, dit le vieux Martin regardant gravement mistress Gamp stupéfaite, comme, par exemple, sur la convenance de boire un peu moins de liqueurs, et de montrer un peu plus d’humanité, d’avoir un peu moins d’égards pour elle-même et un peu plus de pitié de ses malades, et peut-être de montrer un petit peu de probité. Ou bien, monsieur Sweedlepipe, si mistress Gamp vous donnait trop de mal, elle fera bien de veiller à ce que cela n’arrive pas dans un moment où, me trouvant tout près d’Old-Bailey, je pourrais bien aller de moi-même porter témoignage de la moralité que je lui connais, tâchez, s’il vous plaît, de lui inculquer ces conseils, en temps et lieu, à votre aise. »

Mistress Gamp se tordit les mains, tourna les yeux jusqu’à les rendre invisibles, rejeta en arrière son chapeau pour laisser l’air rafraîchir son front brûlant et, en murmurant d’une voix étouffée : « Un peu moins de liqueurs ! … Sairey Gamp ! … La bouteille sur le dessus de la cheminée, et qu’on m’y laisse seulement humecter les lèvres, quand cela m’est nécessaire ! … » elle tomba dans une de ses pâmoisons ambulatoires. Ce fut