Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/461

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Ruth et John se remirent bientôt à parler de Tom.

« J’espère qu’il apprendra cela avec plaisir ? » dit John tout rayonnant.

En l’entendant, Ruth tint ses petites mains encore plus serrées, et elle attacha sur le visage de John un regard sérieux.

« Je ne le quitterai jamais, n’est-ce pas, mon ami ? Jamais je ne pourrai me résoudre à quitter Tom. Je suis sûre que vous le savez bien.

– Pensez-vous que je vous le demanderais ? » répondit-il en accompagnant sa réponse d’un : « C’est bon ; n’ayez pas peur. »

– J’étais sûre que vous ne me le demanderiez pas, dit-elle avec des larmes au bord de ses cils.

– Et, si vous le permettez, je vais vous en faire le serment, ma bien-aimée. Quitter Tom ! ce serait un étrange commencement. Quitter Tom, grand Dieu ! Si Tom et moi cessons d’être inséparables, et si Tom (Dieu le bénisse ! ) n’est pas dans notre maison l’objet de tout honneur et de tout amour, ma petite femme, que ce ne soit plus notre maison ! … Je ne connais pas de serment plus énergique, chère Ruth. »

Et faut-il que nous disions ici comment elle le remercia ? Ma foi ! oui, nous allons le dire. Dans toute la simplicité, l’innocence et la pureté de son cœur, mais avec une hésitation timide, gracieuse et incertaine, elle apposa à ce serment un petit cachet rose dont la couleur se refléta sur son visage et monta jusqu’aux tresses de ses cheveux noirs.

« Tom sera si heureux, si fier, si joyeux ! dit-elle en joignant ses petites mains ; mais aussi il sera si surpris ! … Je suis certaine qu’il n’a jamais pensé à rien de semblable. »

Naturellement, John lui demanda aussitôt (car, vous savez, ils étaient dans cet état de surexcitation où on se permet bien des choses) quand elle avait commencé à y penser elle-même ; et ce fut l’objet d’une diversion charmante dans leur entretien, charmante pour eux, car pour nous elle aurait moins d’intérêt. Après quoi, ils revinrent à Tom.

« Ah ! le cher Tom ! dit Ruth. Je suppose que je ferai bien, dès à présent, de vous raconter tout. Je ne saurais avoir de secret pour vous, n’est-ce pas, John, mon ami ? »

Il est inutile de rapporter ici la réponse de ce fou de John, vu qu’il répondit d’une façon intraduisible sur le papier, bien qu’en elle-même très-satisfaisante. Mais enfin en voici à peu près le sens : « Oui, oui, oui, ma douce Ruth, » ou quelque chose comme ça.