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Alors Ruth lui confia le grand secret de Tom, sans lui dire exactement comment elle l’avait découvert, mais lui laissant deviner ce dernier point, si cela lui faisait plaisir. John apprit ce secret avec une vive affliction, et montra beaucoup de sympathie et de chagrin pour Tom. « Mais, dit-il, ce sera une raison de plus pour nous de tâcher de le rendre moins malheureux et de le distraire en flattant ses goûts favoris. » Puis, dans l’expansion du moment, il dit à Ruth qu’il avait songé sérieusement à s’établir à la campagne, dans son ancienne profession ; et que bien des fois il s’était promis, dans le cas où il lui adviendrait un bonheur comme celui qui lui était arrivé (ici encore, une petite digression), que Tom trouverait amplement de quoi s’occuper chez lui, et qu’ils vivraient tous ensemble parfaitement à l’aise et constamment heureux, sans que Tom pût jamais se croire dépendant. Et Ruth, ayant reçu cette nouvelle avec joie, il se mirent à pourvoir Tom si bel et si bien, que déjà ils lui avaient acheté une bibliothèque choisie et fait poser un orgue sur lequel il jouait tant qu’il voulait, lorsqu’ils l’entendirent frapper à la porte de la rue.

Bien que Ruth brûla du désir de raconter à son frère ce qui s’était passé, la pauvre petite se sentit vivement émue par son arrivée, d’autant plus qu’elle savait que M. Chuzzlewit l’accompagnait. Aussi dit-elle, toute tremblante :

« Que faire, cher John ? Je ne voudrais pas qu’il apprît cela par une autre personne que moi, et je ne pourrai le lui dire que lorsque nous serons seuls.

– Mon amour, répondit John, suivez en tout l’impulsion de vos sentiments et l’élan de votre cœur ; je suis sûr d’avance que ce que vous ferez sera bien fait. »

À peine avait-il eu le temps de prononcer ces derniers mots, et Ruth celui de se retirer un peu plus loin de lui, sur le sofa, que Tom et M. Chuzzlewit parurent. M. Chuzzlewit entra le premier ; Tom le suivait à une courte distance.

Ruth avait pris en toute hâte la résolution d’inviter presque aussitôt Tom à monter avec elle à sa petite chambre, et, là, de lui raconter rapidement les faits ; mais lorsqu’elle vit son bon vieux visage, elle se sentit le cœur tellement attendri qu’elle courut se jeter dans ses bras, pencha la tête sur le sein de son frère et se mit à sangloter.

« Bénissez-moi, Tom ! mon bien cher frère ! »

Tom, extrêmement surpris, leva la tête et aperçut John Westlock tout près de lui et lui tendant la main.