Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/473

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sens, Merry fit donc ses dispositions en toute hâte, et elle était prête à partir quand miss Pecksniff se précipita dans la chambre.

Miss Pecksniff était entrée si brusquement, qu’elle se trouva dans une situation embarrassante : sa toilette de mariée, bien que terminée quant à la coiffure, y compris le chaperon virginal de fleurs d’oranger qu’elle portait sur la tête, était loin d’être complète pour le reste, car Charity était encore en camisole de basin ; le fait est qu’elle s’était dépêchée de venir, en petite toilette, consoler sa sœur par la vue de cette coiffure triomphante, sans se douter qu’elle allait trouver là un visiteur. Quand elle aperçut M. Chuzzlewit, debout devant elle et face à face, ce fut pour elle une surprise qui lui fit un médiocre plaisir.

« Ainsi, ma jeune dame, dit le vieillard en la regardant avec une antipathie marquée, vous allez vous marier aujourd’hui ?

– Oui, monsieur, répondit modestement miss Pecksniff. Je dois… je… mon costume est un peu… Madame Todgers !

– Votre délicatesse est alarmée, dit le vieux Martin ; je le conçois et je n’en suis pas surpris. Vous avez malheureusement choisi un triste moment pour vous marier.

– Je vous demande pardon, monsieur Chuzzlewit, répliqua Cherry, qu’un accès subit de colère rendit toute rouge ; mais, si vous avez quelque objection à faire sur ce sujet, vous pouvez la soumettre à Auguste. Il n’est pas généreux, ce me semble, de venir me faire des reproches, lorsque Auguste est là pour discuter la chose avec vous. Je n’ai pas à m’occuper des déceptions que mon père peut avoir éprouvées, ajouta miss Pecksniff en accentuant ses mots ; et, comme je désire dans un jour semblable être en bons termes avec tout le monde, j’aurais été bien aise que vous m’eussiez favorisée de votre présence au déjeuner. Mais je ne vous le demanderai pas, sachant bien qu’il y en a d’autres qui vous ont d’avance indisposé contre moi. Je me flatte d’avoir conservé pour les autres l’affection que je leur dois, de n’avoir pas manqué à la pitié que je dois aux autres ; mais je ne puis souscrire à m’y soumettre en esclave, monsieur Chuzzlewit : ce serait un peu trop fort. Je crois, à cet égard, avoir trop de respect pour moi-même, aussi bien que pour l’homme qui a sur moi désormais les droits d’un époux.

– Votre sœur, ne trouvant pas chez vous (ce n’est pas elle