Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/474

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qui me l’a dit, c’est moi qui le pense), beaucoup d’égards, va partir avec moi.

– Je suis très-heureuse d’apprendre qu’elle ait enfin rencontré une bonne chance, répondit miss Pecksniff en secouant la tête. Je l’en félicite de tout mon cœur, monsieur. Je ne m’étonne point que mon mariage lui soit pénible… très-pénible. Mais je n’y puis rien faire, monsieur Chuzzlewit ; ce n’est pas ma faute.

– Allons, miss Pecksniff, dit doucement le vieillard, j’aimerais mieux une séparation plus amicale ; j’aimerais mieux que, de votre côté, il y eût plus d’effusion dans la circonstance où nous sommes. Je vous en aurais su gré, en ami. Vous savez, on peut toujours avoir besoin d’un ami, un jour ou l’autre.

– Je vous demande pardon, monsieur Chuzzlewit, répliqua miss Pecksniff avec dignité ; tous mes parents et mes amis en ce monde sont désormais concentrés pour moi dans Auguste seul. Aussi longtemps qu’Auguste m’aimera, je n’aurai pas besoin d’ami. Quand vous parlez d’amis, monsieur, je vous prie, une fois pour toutes, de vous adresser à Auguste. Voilà comme je comprends la cérémonie religieuse à laquelle je vais bientôt participer au pied de l’autel où Auguste va me conduire. Je n’ai dans le cœur de rancune contre personne, moins que jamais en ce moment de triomphe, et moins que jamais surtout contre ma sœur. Au contraire, je la félicite. C’est ce que je lui aurais déjà dit devant vous, si vous m’en aviez laissé le temps. Et comme je dois à Auguste d’être ponctuelle dans une occasion où l’on peut naturellement supposer qu’il est… impatient… vous savez, madame Todgers ! … je vous demande, monsieur, la permission de me retirer. »

Sur cette réponse, la coiffure nuptiale se retira avec autant de dignité que le permit la camisole de basin.

Le vieux Martin, sans prononcer un mot de plus, donna son bras à Merry et l’emmena. Mme Todgers, avec ses atours de fête flottant à tous les vents, les accompagna tous deux jusqu’à la voiture, embrassa tendrement Merry en la quittant, et revint à sa noire maison en pleurant à chaudes larmes. Cette brave Mme Todgers ! elle avait le corps chétif et maigre ; mais au dedans elle possédait une âme bien conditionnée. Peut-être le bon Samaritain était-il chétif et maigre et avait-il bien de la peine à vivre. Qui sait ?

M. Chuzzlewit la suivit si attentivement du regard, que, jusqu’au moment où elle eut refermé sa porte, il ne s’était pas