Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/480

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compromise – par ma conduite insensée, – en prenant la fuite.

« Si vous m’avez jamais aimé, entendez ma dernière prière ! – la dernière prière d’un misérable et désespéré proscrit. Envoyez ce qui est inclus – c’est la clef de mon pupitre – à mon bureau, – tout près. Veuillez l’adresser à Bobbs et Cholberry, – je voulais dire à Chobbs et Bolberry ; – mais mon esprit est totalement bouleversé. J’ai laissé un canif – à manche de corne – dans votre boîte à ouvrage. Il servira à payer le porteur. Puisse-t-il lui porter bonheur plus qu’à moi !

« Ô miss Pecksniff, pourquoi ne m’avez-vous pas laissé tranquille ? N’était-ce pas cruel, cruel ! Ô ma toute bonne, n’avez-vous pas été témoin de ma sensibilité ? – Ne l’avez-vous pas vue s’échapper en larmes de mes yeux ? – Ne m’avez-vous pas vous-même reproché de pleurer plus qu’à l’ordinaire, ce soir épouvantable où nous nous vîmes pour la dernière fois – dans cette maison où autrefois je goûtais la paix – quoique désespéré – dans la société de Mme Todgers ! …

« Mais il était écrit, – dans le Talmud, – que vous plongeriez vous-même dans l’insondable et ténébreuse destinée qu’il est de ma mission d’accomplir, et qui attache, – même en ce moment, – à mes tempes sa couronne d’épines. Je ne vous adresserai point de reproches, car je vous ai fait tort. Puisse le mobilier réparer tout !

« Adieu ! soyez la noble et fière épouse d’une couronne ducale et oubliez-moi ! Puissiez-vous ignorer longtemps l’angoisse avec laquelle je signe, – parmi les orageuses clameurs des matelots,

« Celui qui inaltérablement
« Ne sera jamais
« Votre
« AUGUSTE. »

Les parents, occupés à poursuivre avidement la lecture de cette lettre, avaient aussi complètement oublié pendant tout ce temps-là miss Pecksniff que si elle eût été la dernière personne au monde que cela concernât.

Cependant miss Pecksniff s’était réellement évanouie. L’amertume de sa mortification, la honte d’avoir convoqué elle-même pour ce spectacle des témoins, et des témoins comme ceux-là surtout ; la douleur de savoir que la femme forte et les trois filles au nez rouge triomphaient à cette heure qu’elle avait