Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et il tapa la vilaine petite main pour la punir ; et puis, pour la réconforter, il l’attira dans son gilet.

« Bénis dans notre affection réciproque, dit-il, et dans la société de notre vénérable ami, mon cher trésor, nous serons heureux. Quand il aura abordé au port du repos, nous nous consolerons ensemble. Qu’en dites-vous, ma jolie princesse ?

– Il est possible, répondit précipitamment Mary, que je vous doive de la gratitude pour ce témoignage de votre confiance. Je ne puis dire précisément que je vous en remercie, mais je veux supposer que vous méritez mes remercîments. Acceptez-les et laissez-moi, je vous prie, monsieur Pecksniff. Je ne saurais écouter votre proposition. Je ne saurais l’accueillir. Il y a bien des femmes auxquelles elle peut convenir ; mais à moi, non. Par pitié, de grâce, laissez-moi ! »

M. Pecksniff continuait de marcher avec son bras passé autour de la taille de Mary et sa main dans la sienne, avec autant de satisfaction que s’ils s’étaient donnés tout entiers l’un à l’autre et qu’ils se fussent unis par les liens du plus tendre amour.

« Si vous usez vis-à-vis de moi de la supériorité de votre force, dit Mary, qui, en voyant que les paroles honnêtes ne produisaient pas le moindre effet sur lui, ne fit plus aucun effort pour cacher son indignation, si vous me contraignez par l’ascendant de votre force physique à revenir avec vous pour être tout le long du chemin victime de votre insolence, vous ne pourrez du moins empêcher ma pensée de s’exprimer librement. Vous ne m’inspirez que le plus profond dégoût ; je connais le fond de votre caractère et je le méprise.

– Non, non ! dit M. Pecksniff avec douceur. Non, non, non !

– Par quel artifice ou par quel malheureux concours de circonstances avez-vous acquis votre influence actuelle sur M. Chuzzlewit ? je l’ignore. Peut-être même survivra-t-elle à la connaissance de ce que vous faites là ! mais, en tout cas, monsieur, il sera instruit de votre conduite. »

M. Pecksniff souleva languissamment ses lourdes paupières et les laissa retomber. Il avait l’air de dire avec un sang-froid imperturbable : « Ah ! en vérité ! »

« N’est-ce pas assez, dit Mary, de changer et de fausser son caractère, de faire tourner ses préjugés au profit de vos mau-