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CHAPITRE VI.
Pinch est dispensé d’un devoir auquel il n’était, en conscience, obligé envers personne, et M. Pecksniff ne peut se dispenser de remplir un devoir auquel il est, en conscience, obligé envers la société.

Les derniers mots du dernier chapitre nous conduisent tout naturellement au début de celui-ci qui lui succède : car il s’agit d’une église. Il s’agit de l’église dont il a été si souvent question précédemment, et dans laquelle Tom Pinch touchait l’orgue gratis.

Par une chaude après—midi, une semaine environ après le départ pour Londres de miss Charity, M. Pecksniff, étant allé se promener, se mit en tête d’aller faire un petit tour dans le cimetière. Tandis qu’il errait à travers les tombes, cherchant à trouver sur les épitaphes une ou deux bonnes maximes (car il ne perdait jamais l’occasion de préparer quelques pétards moraux pour les tirer quand l’occasion s’en présentait), Tom Pinch commença à jouer. Tom pouvait courir à l’église pour y jouer chaque fois qu’il avait un moment à lui. En effet l’orgue était de petite dimension, et le vent s’y renouvelait sous la simple pression du pied du musicien ; Tom pouvait donc se passer même d’un souffleur, bien qu’il n’eût qu’à dire qu’il en désirait un, pour qu’il n’y eût pas dans tout le village un homme ou un enfant, personne même au tourniquet, y compris le percepteur du péage, qui n’eût soufflé pour lui jusqu’à s’en rendre le visage tout violet.

M. Pecksniff n’élevait pas d’objection contre la musique, pas la moindre. Il était tolérant en toute. chose, comme il le répétait souvent. Il considérait la musique comme une espèce de flânerie sans but, en général, et précisément convenable à la capacité de Tom. Mais quant aux exercices que Tom accomplissait sur ce même orgue, il les supportait avec une bonne grâce remarquable, avec une complaisance singulière : car, lorsque Tom touchait l’orgue les dimanches, M. Pecksniff, dans sa sympathie sans bornes, paraissait croire qu’il jouait lui-même et qu’il était ainsi le bienfaiteur de la congrégation. Aussi, toutes les fois qu’il lui était impossible d’imaginer