Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/95

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un peu. Celui que je crois le meilleur des hommes ! naturellement, vous voulez parler de Pecksniff. Mon Dieu ! ne parlez pas sans preuves. Qu’a-t-il pu faire ? S’il n’est pas le meilleur des hommes, qu’est-il donc ?

– Il en est le pire. C’est l’être le plus faux, le plus artificieux, le plus bas, le plus cruel, le plus vil, le plus infâme ! … » dit la jeune fille toute tremblante.

Elle tremblait d’indignation.

Tom se laissa tomber sur un siège en joignant les mains.

« Je vous le demande, continua Mary, qu’est-ce qu’un homme qui, me recevant dans sa maison à titre d’hôte, bien malgré moi ; qui, connaissant mon histoire et sachant que je suis sans défense et isolée, ose devant ses filles me faire des affronts tels, que, si j’avais eu un frère, fût-ce un enfant, et qu’il eût été témoin de cette conduite, il eût pris par instinct ma défense !

– Un homme pareil serait un misérable ! s’écria Tom ; quel qu’il soit, ce serait un misérable. »

M. Pecksniff plongea de nouveau.

« Et si je vous disais, continua Mary, que, lorsque mon unique ami (un être bon et cher) avait toute la plénitude de son esprit, cet homme se courbait humblement devant lui ; mais alors mon ami le connaissait bien et il le repoussait comme un chien ! et qu’à présent, oubliant bassement le passé, en voyant cet ami tomber en enfance, il rampe de nouveau devant lui et profite de l’influence qu’il prend sur lui par ses viles flatteries pour nourrir les desseins les plus méprisables, les plus odieux ?

– Je répète que cet homme-là est un misérable ! répondit Tom.

– Mais si je vous disais encore, monsieur Pinch, qu’ayant réfléchi que le meilleur moyen d’arriver à son but, c’est de m’avoir pour femme, il me poursuit de cet argument honteux et lâche, que, si je l’épouse, Martin, sur la tête de qui j’ai attiré tant de maux, pourra rentrer dans une partie de ses espérances premières ; et que, si je m’y refuse, il sera plongé dans une ruine plus profonde encore ? Que dites-vous de celui qui transforme ma constance pour l’homme que j’aime de tout mon cœur en une torture pour moi et un outrage pour mon bien-aimé ? de celui qui fait de moi, malgré moi, un instrument pour frapper la tête que je voudrais couvrir de mille bénédictions ? de celui qui, semant autour de moi tous ces pièges