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DES

par le mot de dessein, on entend un plan d’un bâtiment, ou une figure toute plate tracée sur le papier, & qui consiste seulement en des lignes. On l’appelle Orthographia, quand la face extérieure du bâtiment est représentée comme élevée sur terre ; mais si c’est une perspective de la face & des côtés du bâtiment, & que le bâtiment soit représenté en raccourci, on le nomme, Scenographia. Vitruve. Ce Peintre a fait voir le premier dessein de ce tableau, les figures sont bien disposées. Le dessein de ce Poëme, de ce livre, est bien ordonné. Claudien n’envisage point son dessein tout entier : quand il en compose une partie, il ne pense qu’à celle-là, & il travaille chaque morceau comme s’il étoit détaché de tout le reste. Le Boss. Il faut que, dans le dessein d’un bâtiment, on en fasse voir l’élévation, aussi-bien que dans le plan, & le profil. On appelle dessein arrêté, celui sur lequel on a conclu avec l’Entrepreneur.

Dessein, se dit en particulier dans la Peinture, de ces images, ou tableaux qui sont sans couleur, & qu’on exécute quelquefois en grand. Les Curieux font grand cas des desseins des grands Peintres. On a fait les tapisseries du Louvre sur les desseins de Raphaël, de le Brun, &c. Levis alicujus operis adumbratio.

Dessein, se prend aussi pour la pensée d’un grand ouvrage qu’on trace grossièrement en petit, pour l’exécuter & finir en grand. C’est, dans le sens le plus simple qu’on donne à ce mot dans les Arts, le simple contour des figures, des choses qu’on représente, les lignes qui les terminent, qui en font la circonscription. On appelle dessein au trait, celui qui est tracé au crayon, ou à l’encre, sans aucune ombre : dessein haché, celui dont les ombres sont exprimées par des lignes sensibles, & le plus souvent croisées, qu’on trace avec la plume, le crayon, ou le burin : dessein estampé, celui dont les ombres sont faites avec du crayon frotté, en sorte qu’il n’y paroisse aucune ligne : dessein crené, celui les grains du crayon paroissent ; lequel n’est point frotté : dessein lavé, celui dont les ombres sont faites au pinceau avec de l’encre de la Chine, ou quelque autre liqueur ; dessein colorié, celui où l’on emploie quelques couleurs à peu près semblables à celles qui doivent être dans l’original.

Les qualités ou les parties du dessein sont la Correction, le Bon-goût, l’Elégance, le Caractère, la Diversité, l’Expression & la Perspective. La Correction dépend de la justesse des proportions, & de la connoissance de l’Anatomie. Le Goût est une idée, ou manière de dessein qui vient de l’inclination & des dispositions naturelles, ou de l’éducation, des études qu’on a faites, des Maîtres qu’on a eus. L’Elégance donne aux figures quelque chose de délicat & un certain agrément qui plaît à tout le monde. Le Caractère est ce qui est propre à chaque chose : il y faut de la Diversité, parce que chaque espèce de chose a son caractère particulier qui la distingue. L’Expression est la représentation d’un objet selon son caractère, & selon le tour que le Peintre a voulu lui donner dans les circonstances où il le suppose. La Perspective est la représentation des parties d’un tableau, ou d’une figure, selon la disposition où elles sont entr’elles, par rapport au point de vue. Voy. M. Félibien, M. De Piles, Léonard de Vinci, &c.

Lire un dessein, nommer un dessein. C’est dire en détail à un ouvrier qui monte un métier, quels fils de la chaîne doivent se lever, & en quelle quantité, & lesquels non.

On appelle encore dessein, la représentation de certaines parties détachées ; par exemple, d’un bras, d’une tête, &c. que les Peintres font pour leur usage, ou pour l’instruction de leur Elèves : dans ce sens dessein & étude signifient la même chose ; cependant il est mieux dans cette occasion de se servir du mot d’étude.

Enfin l’on appelle desseins, certains modèles que les Peintres & les Architectes font pour les ouvriers, pour les Manufactures d’étoffes, de tapisseries, &c. Dict. de Peint. & d’Archit.

☞ Ainsi le mot de dessein se dit 1o. de la représentation d’une ou de plusieurs figures d’un paysage, d’un morceau d’Architecture, soit à la plume soit au crayon. Desseins de Jule Romain, de Calot, &c.

☞ 2o. De la simple délinéation & des contours des figures d’un tableau. Dessein correct, exact.

☞ 3o. Pour toute l’ordonnance du tableau. Le dessein de ce tableau est admirable, mais mal exécuté.

☞ 4o. Le plan d’un bâtiment. Faire faire par son Architecte le dessein d’une maison qu’on veut bâtir.

☞ 5o. Pour l’art qui enseigne à bien faire ces sortes de représentations ; l’art d’imiter, par les traits, les formes que les objets présentent à nos yeux. Dans ce sens on dit montrer le dessein, apprendre le dessein, posséder bien le dessein.

☞ Enfin dessein se prend pour le projet d’un ouvrage d’esprit. Le dessein d’un Poëme, d’un discours.

A Dessein. adv. Exprès & à certaine intention. Consilio, consultò, deditâ operâ. Ce mot a été lâché à dessein, pour le faire expliquer. Il ne fait rien qu’à dessein ; c’est-à-dire, qu’il ne vise à quelque fin, à certaine intention. Loin qu’Homère ait observé cet art, on diroit qu’il l’a évité à dessein. De la Motte. Il se met aussi avec l’infinitif d’un verbe avec la particule de.

J’ai depuis un moment
Mis dans mon cœur Uranie ;
Mais à dessein seulement
De vous donner compagnie. Mén.

Il s’emploie aussi avec la particule que, devant le subjonctif. Ce qu’il en dit, c’est à dessein que vous en fassiez votre profit. Voyez Projet, Vues, But.

DESSELLER. v. a. Ôter la selle d’un cheval. Ephippimm equo detrahere. Il ne faut pas desseller un cheval quand il est trop échauffé. Ces Cavaliers à peine avoient débridé & dessellé, qu’il fallut remonter à cheval.

Dessellé ée. part.

☞ DESSERRE. s. f. Ce mot n’est d’usage que dans cette phrase du discours familier. Etre dur à la desserre, avoir de la peine à payer, à donner de l’argent. Ce bonhomme est dur à la desserre.

DESSERRER. v. a. Relâcher ce qui étoit serré. Laxare, relaxare. Quand un Chirurgien a ouvert la veine, il desserre la ligature. Il faut desserrer votre corps de jupe, il vous serre trop. On desserre un nœud, un lien, &c.

☞ On dit desserrer les dents à quelqu’un, lui faire ouvrir par force les deux mâchoires lorsqu’il les tient extrêmement serrées l’une contre l’autre. On dit figurément & familièrement, qu’un homme n’a pas desserré les dents, quand il n’a point parlé du tout dans une compagnie.

Desserrer, se dit au figuré pour décocher, auquel sens on ne l’emploie guère sérieusement. Vibrare, emittere. Desserrer un coup.

Boileau dit en badinant, que

La Serre
Volume sur volume incessamment desserre.

On dit, desserrer un coup de pied, un coup de fouet, un soufflet, pour dire, donner un coup de pied, un coup de fouet, un soufflet avec violence. Il est familier.

Desserré, ée. part.

DESSERT. s. m. Dernier service qu’on met sur les tables. Cœna, ou mensa secunda. Epidipnides, bellaria.

☞ Ce terme est devenu bourgeois. On dit communément le fruit, au moins chez les Grands, même