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DET

trefois, obstacle, empêchement qui se rencontroit à la continuation d’un travail, d’une entreprise. Impedimentum, difficultas, obstaculum. Cet Ouvrier peut faire ce travail en deux mois, s’il n’y a point de détourbier, d’interruption, ni d’obstacle.

Ce mot vient du Latin disturbium. Les Picards disent aussi détourber, pour détourner, qui vient de disturbare. Du Cange. Dans la vie de Saint Eustache, Abbé de Luxeuil, écrite au VIIe siècle, c. 2, n. 11, on trouve seminare disturbia, pour dire, semer des troubles. Acta. Sanct. Mart. T. III, p. 788. E : Disturbia suscitare dans Jordanus de Saxonia, De Vitis Fratrum, L. II, c. 8.

DÉTOURNEMENT. s. m. Action de détourner. Inflexio, deflexus. Ce mot n’est pas usité. Molière s’en est servi dans sa Critique de l’Ecole des femmes, où il dit, leurs détournemens de tête, & leurs cachemens de visage firent dire cent sottises de leur conduite.

Détournement. Ce mot se trouve aussi dans Pomey, pour empêchement. Aversio, avocatio.

☞ DÉTOURNER. v. a. Eloigner quelqu’un du droit chemin, du chemin qu’il doit prendre. Devertere. Détourner quelqu’un de son chemin.

☞ On dit, dans ce sens, détourner, le cours d’une rivière, la faire aller ailleurs. On dit qu’Albuquerque proposa de détourner le cours du Nil, & de le faire tomber dans la Mer Rouge, pour ruiner l’Egypte.

☞ On dit de même détourner un coup. Ictum repellere, excludere. Détourner un orage. On sonne les cloches pour détourner l’orage.

Quand on croit voir fondre un nuage,
Quelquefois il s’élève un favorable vent,
Qui le dissipe en un moment,
Ou qui détourne ailleurs la fureur de l’orage.

L’Ab. Tetu.

☞ Il a bien fait de détourner les yeux d’un si triste spectacle, qui l’auroit trop affligé. Avertere.

Détourner est quelquefois neutre & signifie quitter le droit chemin. Quand vous serez arrivé à tel endroit, détournez à gauche.

☞ Il s’emploie souvent avec le pronom personnel : Se détourner de son chemin, ou absolument se détourner, prendre à dessein ou par hasard un chemin plus long que le chemin ordinaire. Deflectere. Il s’est détourné de son chemin, il n’a pas voulu se détourner, pour aller voir son ami. Divertere viâ, itinere. Divertere ad amicum.

Détourner, en termes de Chasse, signifie, faire tout ce qu’il faut pour s’assurer qu’une bête, un cerf, ou un sanglier, est dans un buisson autour duquel on fait les enceintes. Feram cogere certa in stabula. Détourner un cerf, détourner un sanglier, remarquer l’endroit où il est à la réposée, pour le courre ensuite.

Détourner les aiguilles. Terme d’Aiguilletier. C’est mettre toutes les pointes du même côté, afin de les pouvoir affiner plus facilement, c’est-à-dire, en adoucir les pointes sur la pierre d’émeril.

Détourner, est aussi, un mot par lequel on adoucit le nom des vols domestiques. Soustraire frauduleusement. Avertere. Un mari n’a pas d’action de vol contre sa femme par le Droit, mais seulement des choses détournées. Ce fils a détourné les meilleurs effets de la succession de son père. Ce banqueroutier a détourné, a mis à couvert la meilleure partie de son bien.

☞ On dit, figurément, détourner le sens d’une loi, d’un mot, &c. lui donner une signification différente de celle qu’il avoit. Detorquere. Les Avocats tâchent de détourner le sens d’une loi, de la clause d’un contrat. Dans les Centons, c’est un agrément de détourner le sens des vers, des paroles.

Détourner, signifie aussi, au figuré, faire changer de résolution. Dissuader. Dissuadere. Ce Prince avoit dessein de recommencer la guerre, mais son sage Ministre l’en a détourné. Il s’imaginoit qu’il seroit aisé de le détourner d’un si terrible dessein. Vaug. On aura bien de la peine de le détourner d’épouser cette fille : il est trop amoureux.

Détourner, signifie aussi, figurément, distraire de quelque chose, de quelque occupation. Avertere, evocare. Un Savant ne doit point avoir de procès : cela détourne trop ses études, en interrompt le cours. On se met en retraite pour n’être point détourné dans ses méditations, dans ses exercices de piété. Tous les raisonnemens de Socrate n’aboutissent qu’à détourner de son esprit l’image de la mort. S. Evr. Des comparaisons trop fréquentes détournoient les hommes de l’application de la vérité. Id. Détourner son intention du désir de vengeance. Pasc.

Détourné, ée. part. & adj. Aversus, evocatus, deflexus, detortus. Il y a des louanges équivoques, qui sont de fines railleries, & des manières détournées pour nous rendre ridicules. Bell. Une tendresse pour la mémoire d’Auguste, passoit dans l’esprit de Tibère pour une accusation détournée contre le gouvernement. S. Evr. L’affectation de louer les Anciens est une manière détournée pour censurer les Modernes. Bell. Le mépris de la fortune n’étoit dans les Philosophes qu’un chemin détourné pour aller à la considération qu’ils ne pouvoient avoir par les richesses. Rochef.

On appelle des rues détournées, un chemin détourné, ceux qui ne sont pas trop fréquentés, qui vont à la traversée, ou à quelque lieu particulier. Devium iter, flexuosum.

☞ Au figuré, prendre des chemins détournés, employer des voies déguisées pour arriver à ses fins. Une louange détournée, est celle qui ne s’adresse pas directement à la personne qu’on a intention de louer.

DÉTRACTER. v. n. Médire de quelqu’un, obscurcir, ou diminuer son mérite. De alicujus famæ detrahere, laudem alicujus depeculari, obterere. Les envieux sont sujets à détracter de leur prochain.

DÉTRACTEUR. s. m. Médisant, qui parle mal de son prochain. Maledicus, alicujus detractor. Ecouter les détracteurs.

DÉTRACTION. s. f. Médisance, discours pour diminuer le mérite de quelqu’un. Alicujus famæ violatio, aliena famæ detractio. Quoiqu’on dise vrai, la détraction ne laisse pas d’être un péché, selon tous les Casuistes. Ces trois mots ne sont pas si usités que ceux qui leur servent d’explication.

☞ Ce mot vient du latin detractio, & signifie un mal qu’on dit du prochain pour le diffamer. Si ce qu’on dit du prochain est faux, cela s’appelle calomnie : s’il est vrai, on l’appelle médisance ; mais le mot médisant se prend quelquefois pour toute sorte de détraction.

Détraction. Ce mot se prend dans un sens naturel & physique, par les Auteurs de Chirurgie, lorsqu’en parlant des opérations de leur art, ils disent que l’exérèse est une opération qui se fait par détraction. Détraction, en ce sens, signifie une opération, une action par laquelle on ôte du corps les choses qui y ont été introduites du dehors contre nature. On ôte du corps par détraction les balles de fusil, les éclats de grenades, les morceaux d’épées rompues, &c.

Détraction. Terme de Jurisprudence. Le droit de détraction est en Allemagne, ce qu’on appelle en France Droit d’Aubaine, Jus detractus. M. Kauffeman, dans ses Droits des Seigneurs de Souabe, dit que le Droit de détraction a lieu en deux cas : le premier, lorsqu’un sujet vend ses fonds pour aller s’établir dans un autre Etat, ou quand une succession est dévolue à quelqu’un qui a son domicile dans un autre Etat. Le droit de Détraction n’est pas égal par-tout : c’est la coutume des lieux qui le règle ; car, dans les uns, il est du tiers des héritages, dans d’autres, il est du quart, &, dans d’autres, il est du cinquième, du sixième ou du dixième.