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DEV

naturellement être heureux ; mais il ne sait pas le devenir. S. Evr.

☞ Il est à propos de remarquer avec M. de Voltaire que ce mot devenir ne peut convenir qu’aux affections de l’ame. On devient foible, malheureux, hardi, timide, &c. Mais on ne devient pas forcé à, réduit à… cela n’est pas françois.

☞ On dit communément, pour marquer l’incertitude où l’on est du succès d’une affaire, de ce qui doit arriver ; je ne sais ce que deviendra cette affaire. Et à-peu-près dans le même sens : que deviendront tant de conférences, de négociations ? Où aboutiront-elles ?

☞ On dit à un ami : que devenez-vous ? c’est à-dire, où allez-vous ? Que voulez-vous devenir ? Quel parti voulez-vous prendre ? Toutes les vanités du monde deviennent à rien, c’est-à-dire, se réduisent à rien.

On dit, proverbialement, devenir d’Evêque Meunier, pour dire, qu’un homme est bien déchu de condition, qu’il est passé d’une belle charge à une qui est au-dessous. On dit aussi, cela me fera devenir fou, pour dire, Cela me donnera bien de la peine, me fera enrager.

Devenu, ue. part. & adj. Factus.

DÉVENTER. v. a. Terme de Marine. Déventer les voiles, c’est ôter le vent de dessous ou de dedans une voile, en la manœuvrant, & la faisant ralinguer ou battre. Complicare, constringere vela.

DÉVANTER, DÉVENTER. Ville des Pays-Bas, dans les Provinces-Unies. Deventria, Davantria. Elle est dans l’Overissel, sur la rivière d’Issel. Devanter est le siège d’un Evêque suffragant d’Utrecht. Long. 23. d. 4′. lat. 51. d. 18′.

DÉVERGONDER, v. a. Violer, ravir l’honneur d’uns femme ou d’une fille par violence ou par supercherie. Vitium virgini inferre. Ce mot est vieux, & n’est usité qu’au participe. Lorsque Jean de Carouge fut près de se battre en duel contre Jacques le Gris, ainsi qu’il avoit été ordonné par le Parlement de Paris, il s’adressa encore une fois à sa femme, & voulut savoir positivement si elle ne s’étoit point trompée, & si véritablement Jean de Carouge étoit coupable du crime qu’elle lui imputoit : elle lui répondit en ces termes, dit Froissard : Combattez, combattez, mon mari, Jacquet m’a dévergondée.

DÉVERGONDÉ, ée. adj. & subst. qui vit sans pudeur, qui mène publiquement une vie libertine. Inverecundus, licenciosus. Cet enfant est un libertin, un dévergondé. Les filles de joie sont dévergondées. On a dit autrefois, Se dévergonder, dans le même sens, se permettre des choses trop libres & indécentes.

Plus qu’une femme elle se dévergonde. Bens.

Ménage dérive le mot de dévergondé de devercondiatus, qui a été fait de devercondiare, comme devirginare. Il vient plutôt du vieux mot Celtique & Bas-Breton, qui signifie impudent. Dévergondé n’est que du style familier.

DÉVERGUER. Terme de Marine, ôter les voiles qui sont en vergues.

DÉVERRA. s. f. terme de Mythologie. Déesse du Paganisme. Deverra. On ne sait de cette Divinité que ce qu’en dit S. Augustin au VIe Livre de la Cité de Dieu, C. 9. ou plutôt ce qu’il en rapporte de Varron. Les Anciens croyoient que le Dieu Sylvain entroit la nuit dans les maisons, se mettoit sur le corps des gens pendant leur sommeil, & les accabloit de son poids. Ainsi, quand une femme étoit grosse, de crainte que Sylvain ne la vînt ainsi incommoder, on la mettoit sous la garde de trois Divinités, Intercidon, ou, selon Vivez, Intercidona, Pilumne & Déverra. La cérémonie s’en faisoit en cette manière. Pour désigner ces trois Divinités gardiennes, trois hommes faisoient la ronde autour de la porte de la maison pendant la nuit, ils frappoient le seuil de la porte d’abord avec une coignée, ensuite avec un pilon, & enfin ils la nettoyoient avec un balai, afin que le Dieu Sylvain, voyant ces trois marques, n’approchât point de cette maison, qu’il concevoit par-là être sous la protection de ces trois Divinités : car, ajoûte S. Augustin, Intercidon est ainsi nommé, de l’incision d’une coignée, a securis intersectione ; Pilumnus, du mot pilum, pilon, & Deverra a scopis, d’un balai avec lequel on balaie la maison. Par où l’on voit que Déverra étoit la Déesse qui présidoit à la propreté des maisons, & que ce mot avoit été fait de devertere, balayer.

DÉVERRONA. s. f. Nom d’une Déesse de l’antiquité payenne. Deverrona. Vossius, De Idololatr. L. II. C. 61. appelle ainsi une Déesse que l’on invoquoit quand on entassoit le bled, parce qu’alors il faut balayer ; mais je ne sais s’il faut la distinguer de Déverra, dont nous avons parlé, & si Vossius ne s’est point trompé. La différence des fonctions que l’on attribue à ces deux Divinités, dont l’une présidoit à la naissance des enfans, & l’autre à la récolte des bleds, ne permet pas de les confondre.

Ces deux mots, Déverra & Deverrona, viennent de devertere, balayer.

DÉVERROUILLER, v. a. Ouvrir les verrous d’une porte qu’on avoit fermée aux verrous, ou en ôter les verrous tout-à-fait. Removere pessulum.

DEVERS. Préposition relative au temps, ou au lieu dont on parle. Versus. Devers la Toussaints je vous paierai. Il a bien plu devers Paris.

Celui qui maintenant devers nous est venu,
D’où vous est-il connu ? Mol.

Ce mot vient de Versus. Nicot. Il a vieilli, & ne peut plus trouver d’usage que dans le langage le plus bas. En sa place on se sert de la préposition vers. Vaug. La préposition devers n’est plus guère en usage que pour exprimer le retour d’un lieu ; mais, dans cette acception, il faut qu’elle soit précédée de la préposition de, comme de devers quel endroit venez-vous ? de devers les Princes d’Allemagne. L’Ab. Régn.

Par devers. Préposition qui n’a guère d’usage qu’avec les pronoms personnels, & qui sert à marquer la possession. Apud. Il a retenu tous les papiers par devers lui. On dit, en termes de Pratique, Se retirer par devers un Juge, se retirer par devers le Roi, pour obtenir des lettres ; pour dire, Se pourvoir par devers lui. Cette préposition n’est guère que du style familier, & du style de Pratique.

Dévers, erse. adj. Terme d’ouvriers en bâtiment ; se dit de tout ce qui est penché, qui n’est pas posé à plomb. Inversus. Mur dévers, pièce de bois déverse.

Dévers est souvent employé comme substantif. Les Charpentiers piquent ou marquent du bois suivant son dévers, pour dire, suivant sa pente ou gauchissement.

DÉVERSER. v. a. Terme de Charpentier. Invertere, Déverser une pièce de bois, c’est la pencher, l’incliner.

☞ Ce mot est plus souvent neutre & signifie pencher, incliner, n’être pas posé à plomb. Ce mot déverse.

DÉVERSÉ, ée. part. On appelle bois déversé, du bois qui est gauche.

☞ DÉVERSOIR. s. m. L’endroit de la conduite de l’eau d’un moulin, où elle se perd, quand il y en a trop, par le moyen d’une vanne. Acad. Fr.

DÉVEST. s. m. Terme de Coutume. On joint ordinairement ce mot avec celui de vest ; vest & dévest. Dévest veut dire désaisine, comme vest veut dire saisine. Droit de vest & dévest, c’est droit de saisine & de désaisine en aliénation d’héritage censuel.

Le mot de dévest vient de devestire. Dévêtir, dépouiller, transmettre à un autre la propriété & possession.

DÉVESTIR. v. a. & mieux DÉVÊTIR. Oter ses vête-