Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, III.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
DEV

mens. Vestem exuere. Il est allé devêtir sa robe pour le mettre en habit court. Un Prêtre qui a célébré se va dévêtir à la Sacristie. Il ne faut se devêtir tout-à-fait que quand on veut se coucher. On ne le dit guère qu’avec le pronom personnel.

Ce mot dévêtir vient de devestire, qui se trouve dans la basse Latinité. Voyez les Miracles de Saint-Ambroise de Sienne rédigés par écrit au XIIIe. siécle. Instrumentum XXIII. dans les Act. Sanct. Mart. T. III. p. 210. A. On le trouve aussi dans Thomas Walfinghan, aussi-bien que plusieurs autres mots semblables que l’on peut voir dans Gérard Vossius, De Vitis Serm. L. IV. C. 6. comme l’ont remarqué les Bollandistes à l’endroit cité.

Dévêtir, se dit figurément en Pratique. Dominium rei alicujus abdicare. Dans un contrat de donation, ou de vente, on dit qu’un donateur ou un vendeur, s’est dessaisi & dévêtu de la propriété de ses biens, d’un tel héritage ; pour dire, qu’il les a cédés & abandonnés au donataire & à l’acquéreur, qu’il l’en a saisi & revêtu, & mis en possession.

Dévêtu, ue. part. & adj. Exutus veste.

DÉVÊTISSEMENT. s. m. Terme de Jurisprudence. Action de se démettre, de se dépouiller de son bien, d’en transmettre à un autre la propriété & possession. C’est la même chose que dévest. Abdicatio. La démission est un dévêtissement général que les pères & mères font de tous leurs biens en faveur de leurs enfans. C. B.

DEUGIES. s. f. Vieux mot. Joues ou gencives. Borel dit que ce mot semble aussi vouloir dire maniables.

☞ DÉVIATION. C’est en général l’action par laquelle un corps se détourne de son chemin, s’écarte de sa direction ou de sa position naturelle. C’est dans ce sens qu’on emploie ce mot en physique. Declinatio, deflexio. La déviation est un changement de direction. Il n’est point arrivé aux suites de ces triangles de déviation sensible. Exam. des. Qui ne voit que tous les raisonnemens qu’on peut faire sur la déviation, que la force centrifuge cause dans la direction de la gravité tombent d’eux-mêmes, dès qu’on ignore qu’elle est la direction primordiale de la gravité ? Idem. On peut démontrer qu’il seroit aisé de faire plusieurs hypothèses de gravité dans chacune desquelles la ligne à plomb n’auroit aucune déviation, & seroit par tout perpendiculaire à la surface de la terre, quoique cette surface fût celle d’un sphéroïde alongé par les pôles. Idem.

☞ Les anciens Astronomes appeloient aussi déviation, le mouvement par lequel le déférent ou l’excentrique d’une planète s’approchoit, selon eux, de l’écliptique. Aberratio. Voyez Déférent & Excentrique.

☞ DÉVIDER. v. a. Mettre du fil ou de la soie, &c. en écheveau, ou en peloton, de peur qu’il ne se mêle. On dit dévider, pour mettre en écheveau le fil qui est sur le fuseau, & pour mettre en peloton celui qui est en écheveau. Les fileuses dévident (mettent en écheveau) le fil qu’elles ont filé. Les dévideuses dévident (mettent en peloton) le fil, la soie, &c. qui est en écheveau. Evolvere. Personne n’a blâmé Jacques, Roi de Chipre, de ce qu’il s’amusoit à dévider, lanea glomerare fila, dit Cortesius. Mascur.

Dévider une fourbe. Cette mauvaise locution se trouve dans Mézerai, pour découvrir, développer une fourbe. Detegere, explicare fraudem, dolum.

On le dit, figurément & bassement, de ceux qui parlent trop, & qui content beaucoup d’histoires ou de nouvelles en peu de temps. Cet homme en dévide beaucoup mais il ne faut pas croire tout ce qu’il dit.

Ce mot vient de devidere. Mén.

On dit, au Manège, qu’un cheval dévide, lorsque, maniant sur les voltes, ses épaules vont trop vite, & que la croupe ne suit pas à proportion, en sorte qu’au lieu d’aller de deux pistes, il n’en marque qu’une.

DÉVIDEUR, EUSE. s. m. & f. Ouvrier qui dévide des fils, des laines, des soies, soit en écheveaux, soit en pelotons. Staminei globi versorius artifex.

DÉVIDOIR. s. m. Instrument qui tourne sur un pivot avec des ailes, qu’on étend, ou qu’on resserre comme on veut, sur lesquelles on met l’écheveau du fil qu’où veut dévider. On l’a appelé en Latin devolutorium. Il y a différentes sortes de dévidoirs pour les différens ouvriers.

Les Chevaliers du dévidoir. Ordre militaire, ou plutôt Compagnie de gens-d’armes à Naples. Equites a Girgillo dicti. Après la mort de Charles III. Duc de Durazzo & Roi de Naples, & pendant la minorité de Ladislas son fils, & la Régence de la Reine Marguerite, veuve de Charles, Louis d’Anjou qui prétendoit que le Royaume de Naples lui appartenoit en vertu d’une donation de Jeanne I. s’étant emparé de la capitale, vers 1388. pour la défendre contre les vaisseaux & les galères de la Régente, qui s’étoit retirée à Gaëte avec le Roi son fils, il se forma une Compagnie de Napolitains, & de plusieurs Gentilshommes du quartier de la porte-neuve, qui s’unirent pour la défendre avec leurs vaisseaux & brigantins : & cette Compagnie s’appela la Compagnie du dévidoir, en Italien La Compagnia dell’ Argolaro, & en langage Napolitain dell’ Argata ; parce qu’ils portoient dans leur étendart un dévidoir en broderie d’or sur un fond rouge. Ils portoient aussi un dévidoir semblable sur le bras ou le côté gauche. Cette Compagnie ne dura qu’autant de tems que Louis d’Anjou fut maître de Naples ; ainsi elle tomba bientôt. Voyez l’Abbé Justiniani, Historia di Tutti gli Ordini Militari e Cavallereschi C. 62. T. II. p. 702. & suiv. César Caraccioli, dans sa Naples Sacrée, Nicolo Anielo Pacca, dans son Histoire de Naples, le Terminio, dans son Apologie des trois illustres sièges de Naples, & le Docteur Biagio Altomare. On voit encore un dévidoir sur un marbre, qui est sur la porte du Palais de Fabio Caracciolo.

DÉVIE. s. f. Vieux mot. Trépas. Un ancien Poëte a dit, en parlant de Dieu :

Qui peut tout & soutient, & gouverne & chevie,
Veille garder nos cœurs jusques à la dévie.

De la particule de & du mot vie. On a dit aussi dévié, pour dire forcené, comme étant hors de la voie, du latin deviare.

DÉVIER. v. n. Mot du vieux langage, qui a signifié, s’égarer, mourir, sortir de la vie. On écrivoit autrefois DESVIER.

DEUIL. s. m. Tristesse qu’on sent dans le cœur pour quelque perte, ou quelque accident, ou pour la mort de quelque personne chère. Luctus, mœror. On a témoigné un grand deuil par toute la France à la mort de ce Prince, de ce Ministre : toute la Province étoit en deuil. L’Eglise sembla respirer après la mort de Julien, & quitta ses habits de deuil. Herman. Je ne suis en deuil que pour votre absence. Voit. Seigneur, pourquoi me laissez-vous dans le deuil & dans la tristesse sous l’oppression de mes ennemis ? Port-R.

Ménage tient que ce mot vient du Latin doleum, qui a été formé de doleo.

Deuil, est aussi l’habit que l’on porte pour marquer la tristesse qu’on a dans ces occasions fâcheuses. Vestis lugubris, vestimentum funebre. Le grand deuil se porte en France avec du drap noir sans ornemens, des manteaux longs, du linge de Hollande uni, & du grand crêpe : les veuves le portent avec un bandeau & un grand voile de crêpe. Le petit deuil se porte avec serge ou crépon, & des rubans bleus & blancs mêlés avec du noir. Le Roi & les Cardinaux portent le deuil en violet. En Castille, à la mort des Princes, on se vêtoit de serge blanche pour porter le deuil. On le fit pour la dernière fois en l’année 1498, à la mort du Prince Dom Jean, fils unique du Roi Ferdinand & d’Isabelle, comme dit Herrera. A la Chine on le porte avec des habits blancs. Il dure trois ans, & fait vaquer toutes sortes de charges & de magistratures. En Turquie on le porte en bleu, ou en violet ; en Egypte en jaune, ou en feuille morte ;