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eu leurs sacrifices, celles-ci chez les Thessaliens, & celles-là dans l’Acarnanie, où on leur immoloit un bœuf. 9o. Parmi les Oiseaux, la cigogne, le corbeau, l’épervier, l’ibis, l’aigle, le griffon, la chauvesouris ; le premier en Egypte, les trois suivans & le sixième en Egypte, le quatrième à Thèbes, le dernier au Mexique. 10o. Les Bêtes à quatre pieds on aussi eu des autels : le bœuf, le chien, le chat, le cynocéphale, le loup, le singe, ou la guenon, le lion, le crocodile en Egypte, & ailleurs ; le cochon dans l’Ile de Crète, les rats & les souris, chez les Musorites dans la Troade & les Ténédiens ; les belettes à Thèbes ; toute l’École de Zoroastre honora le porc-épic. 11o. Rien n’a été plus commun que de mettre des hommes au nombre des Dieux, & depuis Belus, ou Baal, jusqu’aux Empereurs Romains avant Constantin, les exemples en sont fréquens : souvent même on n’a pas attendu qu’ils fussent morts, pour faire leur apothéose. Nabuchodonosor fit adorer lui-même sa statue. Virgile marque, Eglog. I v. 6, 7, & 8. qu’Auguste avoit des autels, & qu’on lui offroit des sacrifices : nous savons d’ailleurs qu’il avoit des Prêtres qu’on nommoit Augustales, des temples à Lyon, à Narbonne & en plusieurs autres endroits ; c’est le premier des Romains pour lequel on ait porté l’idolâtrie jusque-là. Les Ethiopiens regardoient leurs Rois comme des Dieux. Le Velleda des Germains, le Janus des Hongrois, le Thaut, l’Othin, l’Asa des peuples du Nord, étoient des hommes. 12o. Non-seulement les hommes, mais presque tout ce qui avoit rapport à l’homme, a été divinisé ; le travail, le repos, le sommeil, la jeunesse, la vieillesse, la mort, les vertus, les vices, le terme, le temps, le lieu, les nombres chez les Pythagoriciens ; la puissance de produire sous le nom de Priape : l’enfance avoit elle seule une troupe de Divinités, Va gitanus, Levana, Rumina, Edusa, Potina, Cuba, Cumina, Carna, Ossilago, Statulin, Fabulin, Nundine, Intercidone, Pilumne & Déverra. On reconnoissoit aussi pour Dieux la santé, la fièvre, la peur, l’amour, la douleur, l’indignation ou Némèse, la crainte, la pudeur, l’impudence, la fureur, la joie, l’opinion, la renommée, la science, l’art, la prudence, sous le nom de Minerve ; la vertu, la foi, le bonheur, la calomnie, la justice, la liberté, la concorde, la monnoie, la guerre, la paix, la victoire, le triomphe, &c. Enfin, la Nature, & le Monde tout entier a passé pour un Dieu. Presque tout ceci est tiré du savant Ouvrage d’Isaac Vossius, De Origine & Progressu Idololat.

Les Epicuriens croyoient que les Dieux ne se mêlent point des choses d’ici-bas, & ne se mettent point en peine que chacun vive à sa fantaisie. Port-R. Il est assez difficile de débrouiller les idées des Payens sur leurs Dieux : elles sont très-confuses, & souvent contradictoires. Ils admettoient tant de Dieux supérieurs & inférieurs, qui partageoient l’Empire du monde, que tout étoit plein de Dieux. On a compté jusqu’à 150 Dieux que les Payens ont adorés. Tous les Philosophes de l’antiquité ont reconnu qu’il n’y avoit qu’un Dieu, comme le P. Mourgues l’a très-bien prouvé dans la seconde lettre de son Plan Théologique des Sectes savantes de la Gréce.

On appele aussi Dieux improprement, les hommes, les idoles que les Gentils ont adorés. Dii. Les Payens ont fait des Dieux de tous les Héros, & de leurs Empereurs.

On appeloit Demi-Dieux, les Faunes & Divinités champêtres. Semi-Dei. On traitoit aussi de Demi-Dieux, les Héros & les hommes qu’on avoit élevés au rang des Dieux. Heroës. C’est pour cela que Juvénal disoit en raillant, qu’Atlas gémissoit sous le fardeau de tant de Dieux qu’on plaçoit dans le Ciel.

Les Poëtes, qui étoient leurs Théologiens, font leurs Dieux si ridicules, qu’ils semblent avoir eu plutôt dessein de les faire mépriser, que de les faire respecter. S. Evr. L’intervention des Dieux dans un Poëme Héroïque est nécessaire ; mais il ne faut pas que le Dieu en faisant tout, anéantisse le mérite du Héros. Id. La présence des Dieux déshonore le Héros, & sa gloire est souillée par le secours d’une Divinité. P. le Boss. Otez les Dieux de l’Antiquité, & vous lui ôtez tous ses Poëmes. S. Evr.

Quand le nom de Dieux est joint à certains autres mots, il désigne les Dieux auxquels les choses exprimées par ces mots ont rapport. Dieu des Vers, c’est Apollon : Dieu des combats ou de la guerre, c’est Mars : Dieu du tonnerre, c’est Jupiter : Dieu des enfers, c’est Pluton, &c.

Jamais le Dieu de la guerre
N’avoit donné sur la terre
Tant de spectacles d’horreur. Roy.

Térence est dans mes mains, je m’instruis dans Horace ;
Homère & son rival sont mes Dieux du Parnasse. La Font.

Hésiode a fait un Poëme intitulé Θεογονια, La Théogonie, C’est-à-dire, la Génération des Dieux, dans lequel il explique la généalogie des Dieux, quel est le premier & le principe de tous les autres, quels sont ceux qui en sont descendus, & quels enfans, quelles générations ils ont eus. C’est un abrégé de la Théologie Payenne. Outre cette Théologie populaire, chaque Philosophe se faisoit la sienne, comme on le peut voir dans le Timée de Platon, & dans les livres de Cicéron De natura Deorum.

Saint Justin, Martyr, Tertullien dans son Apologétique & dans ses Livres Contra Gentes, Arnobe, Minutius Félix, Lactance, Eusébe, Præp. & Dem. Evang. S. Augustin, De Civit. Dei, Théodoret Adv. Gentes, &c. ont écrit de la vanité de ces faux Dieux.

Dieu, se dit abusivement des Puissances & des personnes heureuses. Les Rois sont les Dieux de la terre. Dii terræ. Ablanc. Avec les Dieux il ose se mêler. Voit. Les Grands, les Princes, sont de petits Dieux. David, & après lui Jesus-Christ a dit, Vous êtes des Dieux, des enfans du Très-Haut. Les élus, les gens de bien sont appelés les enfans de Dieu.

On s’en sert aussi figurément, pour parler des choses qu’on aime passionnément. Une mere n’a qu’un fils, elle en fait son Dieu. Un avare fait son Dieu de son argent. Un gourmand n’a point d’autre Dieu que son ventre. Un amant dit que les yeux de sa Maîtresse sont ses Dieux.

Les Dieux-Manes, c’étoient les Dieux dont les Payens imploroient le secours, & à qui ils faisoient des vœux contre la crainte de la mort, & en faveur des défunts. Nicaise. Dii manes.

On dit en proverbe, Cela lui est venu de la grâce de Dieu ; pour dire, que c’est un don de Dieu ; par un bonheur inopiné, sans qu’il l’ait recherché. On dit qu’un homme est devant Dieu ; pour dire, qu’il est mort ; &, quand c’est un méchant homme, que c’est une belle ame devant Dieu. Je ne sais où cela est, Dieu le sache. Tout cela va comme il plaît à Dieu ; c’est-à-dire, en désordre, personne n’en a soin. Dieu sur-tout ; pour dire, que Dieu est au-dessus des choses sublunaires, sur lesquelles on fait des prédirions. On dit que la voix du peuple est la voix de Dieu. On dit aussi, que ce que la femme veut, Dieu le veut, pour dire, que les femmes sont opiniâtres.

On dit qu’un homme doit à Dieu & au monde : pour dire, qu’il est noyé de dettes. Ære alieno oppressus.

Dieu-donné, est le surnom donné à quelques Princes, dont la naissance a été inespérée, ou en quelque façon miraculeuse, que Dieu a accordés aux prières de son peuple. Deo-datus. Philippe Auguste a eu le nom de Dieu-donné.

Il y a quelques endroits où l’on appelle Dieu-donné, les séculiers qui se donnent à Dieu, & au service des Monastères où ils se retirent. En d’autres on les appelle seulement Donnés, & autrefois Oblats.

Dieu, se dit aussi, en plusieurs mots composés, des lieux pieux. L’Hôtel-Dieu, la Maison-Dieu, sont