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huit minutes à un petit feu, se trouvent réduites à une espèce de pulpe ou liqueur, & les os les plus durs, après quelques minutes de plus, se convertissent en gelée. Cette dissolution paroît se faire par une voie analogue à la digestion des animaux. Le Digesteur est un vase, d’où il ne peut sortir aucune vapeur. M. Commiers, Professeur en Mathématiques, a travaillé à perfectionner le Digesteur.

☞ Il y a encore d’autres sortes de Digesteurs, mais moins célèbres que celui de Papin.

DIGESTIF, ive. adj. Qui procure la digestion. Quod digerendi vim habet. Qui préside à la digestion. Les anciens Philosophes admettoient une faculté digestive, parce qu’ils ne savoient pas expliquer autrement la manière dont se fait la digestion.

Digestif. Se dit aussi, en Médecine, des remèdes qui fortifient l’estomac, & qui aident à la digestion des alimens, comme sont les semences de fenouil, d’anis & de coriandre, le girofle, la cannelle, les écorces de citron & d’orange, &c.

☞ On le dit aussi substantiellement. Un bon Digestif.

Digestif. Se dit encore d’une espèce d’onguent qu’on met sur les plaies, pour mûrir la matière & la préparer à la suppuration. On le compose ordinairement avec la térébenthine, le jaune d’œuf, l’huile d’hypéricum, l’onguent basilicum, la teinture d’aloës. On appelle du nom de digestif, ce qui mûrit les plaies, & les amène à suppuration. La fiente de chèvre contient beaucoup de sel volatil âcre, qui la rend résolutive, détersive, dessicative, digestive, &c. Lémery. On couvre la plaie, la tente & les nœuds de la suture, avec des plumaceaux plats couverts d’un digestif, ou de quelque baume. Dionis. Ce terme est propre à la Chirurgie, & à la Pharmacie, comme on le voit, & il devient substantif, comme plusieurs autres semblables. Un digestif, un mondificatif, un suppuratif, &c. La plaie sera pansée dans les premiers jours avec un digestif doux pour procurer la suppuration. Dionis

DIGESTION. s. f. Coction des viandes dans l’estomac. Digestio, concoctio. On appelle la digestion du nom de coction. La digestion est la préparation qui se fait des alimens dans le corps même de l’animal pour les rendre propres à la nutrition. Un Officier qui étoit à la tranchée, étant appelé par ses amis pour aller dîner, il dit, je ne mangerai point, que je ne sois sûr de la digestion. Ménage. Les noix, les amandes, les écrevisses, sont de dure digestion. Les viandes bouillies sont de facile digestion. Il faut éviter tout ce qui peut interrompre la digestion des alimens, comme par exemple, une chaleur immodérée, & un exercice trop violent, qui font dissipper beaucoup d’esprits ; une boisson trop abondante, qui fait flotter les alimens dans l’estomac. Lémery.

Les sentimens sont partagés sur la manière dont se fait la digestion. On peut les réduire à trois principaux, qu’on trouve expliqués & soutenus dans plusieurs traités que les Physiciens & les Médecins ont donnés depuis quelques années. Les uns disent que la digestion se fait par fermentation ; les autres, qu’elle se fait par trituration ; quelques-uns ont voulu réunir les deux partis, en disant qu’elle se fait en même-temps par fermentation, & par trituration. Le premier sentiment a été longtemps le seul que l’on connût & que l’on suivît. Il consite à dire que les alimens, quand ils sont passés dans l’estomac, se chargent & se remplissent d’acides, lesquels, étant excités par la chaleur naturelle, causent dans les alimens une fermentation qui les altère, les change, & les métamorphose en chyle.

Le second sentiment a été inventé ou renouvellé dans les derniers temps, & soutenu avec vivacité, comme l’est ordinairement tout ce qui a le caractère de la nouveauté. Ceux qui soutiennent ce sentiment, disent que c’est par un broiement continuel, que les alimens sont atténués, brisés, & réduits par-là en une substance grisâtre, qui est le chyle, à-peu-près comme le blé écrasé par la meule des moulins. Ce qui s’observe dans les oiseaux paroît confirmer cette opinion : leur gésier est composé de deux muscles forts, solides & compactes, qui, en se frottant l’un l’autre, & étant aidés de petits grains de sable anguleux, que les oiseaux avalent, brisent & broient la nourriture qu’ils prennent ; &, lorsque les angles de ces grains de sables sont abattus, les oiseaux rendent avec leurs excrémens de ces petites pierres dont les pointes sont émoussées, & leur sont inutiles ; & ils en avalent d’autres qui sont rudes & raboteuses.

Voici comment s’en explique un partisan de cette opinion : (c’est M. Hecquet) dans son Traité de la digestion. Tout est vaisseau dans le corps, donc tout y est creux. Tout y vit à sa manière, donc tout y est en mouvement ; donc tous ces vaisseaux se meuvent. Les parties d’un corps qui doit se mouvoir se meuvent vers les endroits ou ils trouvent moins de résistance ; l’endroit de la moindre résistance dans des tuyaux, est la partie cave ; donc le mouvement des parties des vaisseaux se fera vers les parties caves. Les parties qui ont à se mouvoir dans des vaisseaux sont leurs parois, parce qu’elles sont flexibles & élastiques ; & ce mouvement ne peut se faire que par le rapprochement de leurs parois : c’est donc un resserrement, une pression, une contraction, qui se fait en eux ; donc toutes les parties du corps, n’étant que des vaisseaux, ont un mouvement de compression, de systole, de contraction. Tous ces vaisseaux contiennent des liqueurs dans leurs cavités : toutes les liqueurs du corps humain sont donc continuellement pressées. Cette pression est l’action d’une force élastique ; donc cette pression sera telle que cette force ; donc cette pression sera alternative ; donc c’est un battement ; donc ces liqueurs sont battues. Ces liqueurs sont très-divisibles ; elles seront donc continuellement divisées. Une division procurée par un battement est un broiement, ou une trituration ; donc les liqueurs du corps humain sont continuellement triturées, ou broyées. La raison pourquoi la force qui presse doit être alternative, c’est que les membranes, qui composent les vaisseaux, sont tissues de deux plans de fibres ; les unes longitudinales ; les autres circulaires, qui coupent les longitudinales à angles droits. Les longitudinales sont tendineuses & élastiques ; les circulaires sont musculeuses, ou motrices. Les longitudinales sont au-dessous des circulaires : les circulaires sont au-dessus des longitudinales, qu’elles ceignent & embrassent. Celles-ci sont élastiques : les circulaires sont motrices, semblables à des sphinctères qui compriment. Or l’élasticité des longitudinales résiste à la compression, &, de cette résistance, naît une action réciproque ; c’est cette force alternative & broyante que l’on cherche. Ils objectent à ceux qui prétendent que la digestion se fait par un levain, que la digestion est une solution ; que, pour préparer cette solution, il faut amollir ; que le propre des levains acides est de ronger les matières plus dures, & de durcir les molles, d’épaissir les liquides, de figer les grasses, de coaguler les laiteuses ; qu’ainsi l’acide est contraire à la digestion. Outre la force qui les broie, & le vaisseau qui les comprime, il y a encore des liqueurs qui les délaient, c’est la salive & le suc stomacal. Des matières minérales que le suc stomacal ne peut dissoudre, se trouvent usées & polies après avoir séjourné dans l’estomac : or la polissure est l’effet du broiement, & non pas de la corrosion. De même on trouve des pelotons de fils entassés & roulés dans l’estomac des bœufs, polis & lissés, & qui ne portent aucun signe de corrosion.

Les auteurs de la Trituration demandent trois