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DII

מעשר שלישי ; & ces troisièmes années qu’on payoit cette dîme, on les nomme les années de dîme.

Toutes ces dîmes montoient à plus d’un sixième de revenu de chaque particulier ; car, si, par exemple, un père de famille recueilloit 6000 gerbes de blé, & que d’abord il en ôtât une centaine pour les prémices, ou l’oblation, il lui en restoit encore 5900. Tirant de-là 590. pour la première dîme, il en restoit encore 5510. dont la dîme est 531. qui, étant ôtées pour la seconde dîme, reste 4779. gerbes pour le père de famille, qui par conséquent en a donné 1121. qui sont 121 plus que le sixième de 6000. Des 590. que les Lévites recevoient pour la première dîme, ils en donnoient 59. au Prêtre pour la dîme de la dîme. Ainsi il leur en restoit 551. pour leur subsistance & celle de leurs familles.

Toutes ces choses sont expliquées plus au long dans le Thalmud, où il y a deux livres des dîmes, l’un des dîmes, & l’autre des secondes dîmes, & encore dans le livre des Bénédictions, ברכות, dans les Commentaires de Battenora, de Maimonides, de R. Schélomoh Jarhhi sur ce Traité, dans Scaliger, Amoma, Guisuis, Selden, Frischmuth, Quensteed, Varenius, Jean Conrad Hottinger, & dans ceux qui ont traité de la République des Hébreux, comme Sigonius, Bécan, Ménochius, Cunæus, Godwin, Leidekker, &c.

Au reste, les Israëlites ne payoient pas seulement les dîmes des biens & des fruits de la terre, mais aussi de la portée des animaux, comme il est expressément marqué dans l’Ecriture, Lev. XXVII. 32. 33. 34. Encore aujourd’hui les Juifs, quoique hors de la Terre-Sainte, ou pour le moins ceux qui parmi eux veulent passer pour plus religieux, donnent aux pauvres la dixième partie de tous leurs revenus.

Dans la nouvelle loi ce n’est point Jésus-Christ qui a établi les dîmes, comme Dieu l’avoit fait dans l’ancienne loi, par le ministère de Moïse. Les Prêtres Chrétiens, & ses Ministres des Autels de la nouvelle Alliance, ne vécurent d’abord que des aumônes & des oblations des Fidèles. Dans la suite des tems on donna une certaine portion de ses revenus au Clergé. On commence à en trouver des exemples dès le IVe & le Ve siècles. Ce don fut appelé dîme ; non pas que ce fût la dîme du revenu, mais seulement par imitation des dîmes de l’ancienne loi. Ces dîmes n’étoient point encore d’obligation. Dans les siècles suivans les Prélats, dans les Conciles, & les Princes de concert en firent une loi, & ordonnèrent aux Fidèles de donner aux Ecclésiastiques la dîme de leurs revenus, & des fruits qu’ils recueilloient. Les Ecclésiastiques en jouirent paisiblement deux ou trois siècles. Dans le VIIIe, les Laïques s’emparèrent d’une partie de ces dîmes, ou de leur autorité, ou par la concession ou donation des Princes. Quelque-tems après ils les restituèrent, ou les appliquèrent à des fondations qu’ils firent de Monastères, ou de Chapitres, & l’Eglise consentit au moins tacitement à cette restitution. En 1179. le IIIe Concile de Latran, tenu sous Alexandre III. ordonna aux Laïques de rendre à l’Eglise les dîmes qu’ils possédoient encore. En 1215. le IVe Concile de Latran sous Innocent III. se relâcha, & sans rien dire des dîmes que les Laïques avoient eues jusque-là, & qu’ils possédoient, il ordonna seulement qu’à l’avenir ils n’en pourroient acquérir aucune. Dans les commencemens les dîmes étoient distribuées par l’Evêque ; depuis long-tems elles appartiennent de droit aux Curés. Ils ont aussi les dîmes des novales, c’est-à-dire, des terres qu’on défriche & qu’on met en valeur, & les vertes dîmes. Tout l’Orient appartenant à des Princes infidèles, les dîmes ne sont plus en usage dans l’Eglise d’Orient depuis long-tems. Fra-Paolo a cru que l’usage de payer les dîmes dans la loi nouvelle est venu de France, & il dit, dans son Traité des Bénéfices, qu’avant le huitième & le neuvième siècle, on n’en avoit point payé en Orient & en Afrique : mais il se trompe, & il est certain que les dîmes ont été payées dès les premiers tems de l’Eglise. Voyez le P. Thomassin sur les Bénéfices. part. 3. ch. 3. 4. 5. 8. Bévérégius, l. 2. Fellus sur S. Cyprien, les Constitutions du Roi Clotaire, le Concile de Mâcon tenu en 585. Jérôme Acosta, Des Revenus Eccles. &c. Origène, hom. XI. sur les nombres, croit que les Lois de Moïse, touchant les prémices de les dîmes, ou décimes, tant du bétail que des fruits, n’ont point été abrogées par l’Evangile, & qu’on doit encore les garder. Le 5e Canon du II. Concile de Mâcon ordonne sous peine d’excommunication de payer les dîmes aux Ministres de l’Eglise, suivant la loi de Dieu, & la coutume immémoriale des Chrétiens. C’est la première fois que l’on trouve une peine imposée à ceux qui ne paieroient pas la dîme. Cassien, dans sa XXIe Conférence, chap. 1. marque que les Chrétiens avoient coutume, au moins en Egypte, de porter aux Monastères voisins les dîmes & les prémices de leurs fruits, & il y parle d’une instruction que fit à Théodat un vieux Moine, nommé Jean, sur le devoir de donner à Dieu les dîmes & les prémices, afin qu’elles fussent employées aux besoins des pauvres.

Il y a une dîme Royale, ou Seigneuriale, qui est appelée en quelques endroits champart ; une autre Ecclésiastique, qui est due naturellement aux Curés, & qui a été depuis aliénée à d’autres personnes. Si les grosses dîmes appartiennent à d’autres qu’au Curé, à des Moines par exemple, alors les gros Décimateurs sont obligés de lui payer une pension, qu’on appelle portion congrue, qui avoit été réglée à 300 liv. par une Déclaration de 1686, & qui vient d’être portée à 500 liv. & cela outre les menues dîmes, & les Novales, qui appartiennent toujours au Curé. On peut prescrire la quotité des dîmes, & la forme de les payer, par une possession de 40 ans, mais on ne peut en prescrire l’exemption absolue. Un Curé, pour lever les dîmes, n’a besoin d’autre titre que de son clocher. Les dîmes, quant au pétitoire, sont de la compétence du Juge Ecclésiastique. Voyez Baronius, Seldenus, qui en ont fait des Traités entiers.

Il y a des Auteurs qui écrivent dixmes. On dit au singulier, lever la dixme, prétendre la dixme, la menue dixme, la grosse dixme. Affermer la dîme, payer la dîme.

Dîmes inféodées, sont celles qui sont aliénées aux Seigneurs Ecclésiastiques, ou temporels, & qui sont unies à leur fief, & possédées comme biens profanes. Decima in fide regiâ positæ. Les dîmes inféodées sont de la connoissance du Juge séculier. Par le Concile de Latran, tenu sous Alexandre III. en 1179. les inféodations des dîmes sont défendues pour l’avenir. On n’est pourtant pas obligé de représenter le titre original de l’inféodation : il suffit de justifier par des aveus, ou dénombremens, une possession de temps immémorial. En général on regarde comme illégitimes toutes les inféodations faites depuis le Concile de Latran. S. Louis fit un Edit en 1279. par lequel il ordonna que si les dîmes inféodées retournoient aux Eglises, elles reprendroient leur première nature, sans pouvoir par après être possédées par des gens lais. Quelques-uns attribuent l’origine des dîmes inféodées à Charles-Martel, & le tiennent damné, parce que ce fut lui qui, le premier, donna des Bénéfices aux Nobles séculiers. Mais Baronius regarde cela comme une fable. Leur origine vient des guerres d’outre-mer : c’est l’opinion de Pasquier. Le tribut que les Romains avoient imposé sur toutes les Provinces de l’Empire, étoit la dixième partie de tous les fruits : quelques-uns prétendent que, les François avant conquis les Gaules, & trouvé cette imposition établie, ils la conservèrent, & donnèrent ces dîmes en fiefs aux soldats ; & que de-là sont venues les dîmes inféodées. Elles ne sont pas si anciennes : on n’en trouve aucune mention avant le règne de Hugues Capet, & même le Concile tenu à Clermont sous le Pape Urbain II. en 1097. n’en parle point. Ce Concile, d’ailleurs assez