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ROSE

parties montueuses on trouve diverses formes comprises dans l’ancien Rosa canina de Linné. Une des plus remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253), sous-arbrisseau tout couvert d’aiguillons inégaux, les uns sétiformes, les autres recourbés à base dilatée. Les fleurs sont petites et roses, les fruits précoces couronnés par les sépales entiers et persistants. Enfin sur les escarpements rocheux du désert de Sinaï croît le Rosa arabica Crépin, simple variété du vulgaire Rosa rubiginosa qui diffère du type par les soies du fruit, la plupart dépourvues de glandes.

F. Hy.

II. Exégèse.

Le nom de la rose ne se rencontre pas dans les textes hébreux de l’Ancien Testament ; il ne paraît que dans les livres composés en grec, dans la Sagesse, ii, 8, et selon quelques auteurs dans l’Ecclésiastique. Cette fleur originaire de la région du Caucase ne paraît avoir été cultivée dans les jardins syriens qu’à partir de l’époque des Séleucides. Ch. Joret, La rose dans l’antiquité et au moyen âge, in-8°, Paris, 1892, p. 124-125 ; Les plantes dans l’antiquité, 1re partie,


253. — Rosa phœnicia.

dans L’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 399. D’après le IIIe livre des Machabées, vii, 17, Acco ou Ptolémaïde tirait de la culture abondante de cette fleur le surnom de ῥοδοφόρος, « rosifère ». Le traité Maaseroth, ii, 5 (Surenhusius, Mischna, t. i, p. 251), fait allusion à un jardin de roses situé près de Jérusalem. Le rosier était assez répandu dans la Palestine au commencement de l’ère chrétienne : nous voyons par les Actes, xii, 13, que le mot Ῥόδη, « Rosier », était usité comme nom de personne ; il était porté par une servante. Actuellement la culture de la rose est très intense en plusieurs régions de Palestine et des pays syriens, spécialement à Damas où l’on fabrique de l’essence de rose et des pâtes et des sirops aromatisés de cette essence.

Dans le milieu où vécut l’auteur de la Sagesse, l’Égypte, la rose ne pénétra aussi qu’assez tard, c’est-à-dire à l’époque des Ptolémées. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, p. 156. C’est ce qui explique que le nom n’en paraisse pas dans les anciens textes. On ne le trouve qu’en démotique. La rose se nommait ûart, ûarta, en copte, ⲟⲩⲉⲣⲧ, d’où est venu le nom arabe ورد, ûard, ouarda, et le nom araméen de la Mischna et des Talmud וַרְדָא, varda’, uarda’. C’est le même nom dans les pays grecs où la plante est plus anciennement connue, ῥόδον, primitivement βρόδον, ϝρόδον. Le nom du pays d’origine a passé avec la fleur dans toutes les régions où elle a été implantée. En Égypte, la rose paraît avoir été spécialement cultivée dans le nome d’Arsinoé. Fr. Crépin, Sur les restes de roses découverts dans les tombeaux de la nécropole d’Arsinoé, dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. xxviii, 1888, 2e partie, p. 184. Dans la nécropole gréco-romaine de Hawara au Fayoum, M. Flinders Pétrie en a également trouvé des restes. Hawara, Biahmu and Arsinoé, 1887, p. 48 ; V. Loret, La Flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 82.

Rien ne s’oppose donc à ce que le ῥόδον de la Sagesse, ii, 8, ne soit la rose. L’usage auquel l’auteur fait allusion confirme cette attribution. Il fait parler les impies qui dans leurs banquets veulent se donner toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis. « Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou pétales de roses) avant qu’elles se flétrissent. » On sait que dans leurs fêtes les anciens Grecs ou Romains aimaient à porter des couronnes de fleurs. Leurs belles couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la rose pour cet usage. Horace, Ode, I, xxxvi, 15 ; Pline, H. N., xxi, 8 ; Ovide, Fast., v, 335 ; Martial, v, 65. Dans les banquets on portait ces couronnes sur la tête, et autour du cou. Cicéron, In Verr., ii, 5, 11 ; Lucrèce, v, 1397 ; Athénée, Deipn., xv, 674 ; Garcke, De Horat. corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860.


254. — Rosa glutinosa.

Il est également fait allusion aux roses dans le texte grec d’Esther, i, 6, où sont décrites les décorations de la salle du festin royal. On y parle de tapisseries magnifiques parsemées de fleurs et ornées sur les bords de roses épanouies.

Rien n’est moins certain, au contraire, que l’identification faite par plusieurs exégètes de la rose avec le ῥόδον de deux passages de l’Ecclésiastique, xxiv, 13-14, et xxxix, 13. Le premier de ces textes contient l’éloge de la Sagesse que l’on compare à des arbres remarquables par leur port et leur feuillage :

Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi
Et comme les φυτὰ ῥόδον à Jéricho,
Comme un bel olivier dans la plaine,
Et j’ai grandi comme un platane (xxiv, 13-14).

Le second texte nous montre le ῥόδον croissant sur le bord des eaux courantes (xxxix, 13). Or le rosier peut difficilement être mis en parallèle avec l’olivier, le platane et le palmier ; et il ne croît pas d’ordinaire au bord des eaux. Le laurier-rose remplit mieux les conditions et il porte dans les textes des auteurs anciens les noms de ῥοδοδάφνη, laurier-rose, ῥοδοδένδρον, arbre à rose. Dans les écrivains arabes sur la médecine on remarque que le nom reçu en Syrie pour le laurier rose est rodyon. Voir le Laurier-rose ou Nerium oleander, t. iv, col. 130.