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furent attiédies, les Satyres-Silènes continuèrent leurs danses aux représentations symboliques de la mort de Dionysos ; mais ils n’étaient plus transfigurés par l’extase ; on ne voyait plus en eux que des hommes travestis^^1. C’est de ces danses des Satyres-Silènes que sont nés le dithyrambe, la tragédie et le drame salyrique des Athéniens [chorus, dithyrambus, cyclicus chorus, satyricum drama]. La comédie dorienne tire son origine des ébats plus débridés d’une autre catégorie de démons, analogues aux phlyakes de la Grande-Grèce^^2. Ainsi, les Satyres-Silènes, libres habitants des forêts, à l’origine, sont définitivement enrôlés à Athènes dans le thiase bachique. Jusqu’à la fin de l’antiquité, ils demeureront attachés au dieu, dont ils constituent les servants attitrés, la maison et la suite.

Nous n’entrerons pas dans le détail des mythes secondaires où les Satyres jouent un rôle. La légende en fait les fils d’Hermès et de la Nymphe Iphthimé^^3 ; elle les associe aux Curetés de Crète^^4, auprès de Zeus, et plus tard leur attribue comme patrie des terres lointaines, les Îles des Satyres^^5, où les navigateurs les entrevoient. Certains savants modernes ont ajouté foi à ces fables et en ont donné des explications rationalistes ; les explorateurs anciens auraient pris pour des Satyres les gorilles de la côte africaine ou les sauvages de l’Inde^^6.

Il sera bon de compléter par les monuments figurés le témoignage des écrivains : la prodigieuse richesse de l’imagerie nous fait comprendre beaucoup de conceptions que les textes littéraires passent sous silence ou laissent seulement entrevoir. Le diable des chrétiens garde, d’ailleurs, plus d’un trait du satyre antique, auxquels les artistes de la Renaissance et des temps modernes restèrent souvent fidèles par humanisme^^7.

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Fig. 6127. — Silène du type ionien.
II. Représentation dans l’art. — Nous avons distingué plus haut les démons-chevaux anatoliens (Silènes) et les démons-boucs péloponésiens (Satyres). Ce sont les Silènes que nous rencontrons les premiers dans les monuments. Ils ont un visage large, complètement entouré par la barbe et les cheveux, un nez camus, une queue et des oreilles de cheval (fig. 6127)^^8 ; des sabots non fendus indiquent clairement leur nature bestiale (fig. 6128)^^9. On appelle généralement ionien cet ancien type du Silène parce que l’origine en est bien établie par des monuments ioniens : monnaies de la Grèce du

1 Sur les origines de la tragédie attique, cf. Hermes, XXXII, p. 290 ; Neue Jahrbücher, 1906, p. 161 sq. ; Archiv. fur Religionswiss. 1908, p. 161 et 195. Sur les prêtres de Dionysos et les Iohachoi. df nommas.itnot, cf. Herwerdeu. Lexicon graec. suppl. t. V., T.„i : DiUenbergcr, SijUoije i, n. 739, 10 ; 743.29 : 717 n. 7.

2 Voir l’article cité de Loescheke.

3 Nonnus, 14, 105.

4 Immisch. dans Lexikon mytholog. de Roscher, art. Kureten, p. 1592 ; Wide, Alh. Milth. 1894, p. 2*1.

5 Strab. X, 466.

6 On se fonde sur deux textes : l’un, Periplus-Hannon, § 18, cité par Perrol, Hist. de l’Art. III, p. 806, et par Clermont-Ganneau, Imagerie phénicienne, p. 51 et notes ; l’autre, Paussan. I, i3, 5, invoqué par Schubart, Fleckeisen Jahrbùc/.er, 1S75, p. 415 sq. ; cf. Lalîleau,.Vo’iirs rf.s sauraq et américains, Paris 172V, 1, p. 31 ; de Rosnj-, Les Antilles, 188G. p. 24. Dans la coupe de l’réncslc. Ferrol, O. c. III. fig. 543, qui date du viie siècle, le singe anthropoïde a des allures de Silène ; sur l’obélisque de Salmanasar II, du British Museum (Nimroud Central Saloon, n. 98), dont la date est 800 à 833, on voit des tributaires amener des singes de grande taille ; ces animaux auraient pu contribuer à la formation du Silène ionien.

7 Rev. de l’Art anc. et moderne, 19U7, II. p. 117 (Perdrizel).

8 Babelon, Aus ionisch. Nekrop. pl. xiii, no 6.

Nord^^10, vases de Rhodes^^11 et de Tanis^^12, sarcophages de Clazomène^^13.

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Fig. 6128. — Silène du type ionien.
A. Période archaïque. — Le Silène ionien à sabot de cheval^^14 est très proche parent du Centaure, qui n’est autre chose qu’un Silène prolongé par une croupe chevaline^^15. Certaines monnaies archaïques de la Thrace^^16 portent à l’avers une Nymphe enlevée, tantôt par un Silène, tantôt par un Centaure. Quand le sabot de cheval du Silène est remplacé par un pied humain, le Centaure adopte aussi le membre antérieur de l’homme. Mais généralement, le progrès de l’art archaïque fait ressortir la nature animale du Centaure tandis que le Silène s’humanise. Ce sont là deux solutions différentes d’un même problème artistique : la fusion harmonieuse des formes de l’homme et du cheval, qui avaient été plutôt juxtaposées que liées par les premiers imagiers. On observe la même évolution dans les types du sphinx, de la sirène, etc., êtres tout à fait hybrides à l’origine, mais auxquels les artistes surent, peu à peu, donner des formes plastiques. Les Silènes du Vase François^^17 ont non seulement des sabots, mais aussi des hanches de cheval ; cette innovation de Clitias n’a pas eu de succès.

À côté du Silène à sabot de cheval, il faut mentionner un autre type complètement velu^^18 que l’on considère, à bon droit, comme l’ancêtre du Papposilène du drame attique (fig.  3849, 3855, 5591) ; chez ce dernier, les parties pileuses sont remplacées par un maillot spécial, le χορταῖος χιτών, sorte de chiton où l’on collait du foin. Une célèbre coupe ionienne de Wurzbourg^^19 (fig.  4759), d’autres vases^^20, un casque de bronze chalcido-ionien^^21 nous offrent de bons exemples de Silènes hirsutes, au corps complètement piqueté de points. L’art archaïque attique ne les connaît pas. Sans doute, les artistes chalcido-ioniens auront voulu caractériser, par cette villosité excessive, la sauvagerie des Silènes, en les dépeignant comme devrais habitants des forêts. On peut supposer aussi un parti-pris décoratif de peintres ou de graveurs. Comme les Silènes sont souvent placés deux à deux, les corps velus, tachetés ou piquetés se détachent en vigueur sur les surfaces lisses de leurs voisins^^22.

Nous avons dit que, chez les Silènes, des jambes humaines se substituent aux sabots de cheval. L’art archaïque attique, sauf sur le Vase François, donne aux Silènes la tournure d’hommes affublés d’une queue et

— 9 Carapanos, Dodone, pl. ix, p. 171 ; De Witte, Gaz. archéol. 1877, p. 124, pl. XX : Micali, Mon. inéd. nnl. popoli ilal. IS44, pi. ivn.

10 Gardner, Types of greek coins, pl. iii, 1.

11 Journ. of hell. stud. IV, p. 188.

12 Jahrb. des K. Instit. 1893, 43. fig. 5.

13 Journ. of hell. stud. IV, p. 21 ; Antike Denmäl. I, 46,3.

14 Bulle, Die Silène in der archa’ischcn fùinst der Griechen, p. 2 st]. ; Furlwângler. Die ant. Gemmen. lli, 102 sq. ; pi. viii, 4 ; cf. Brückner, Anakaly/tteria, p. 16. qui établit un rapport entre ces groupes et l’usage spartiate décrit par Plutarque, Lycurg. 13.

15 Bulle, O. c p. 2 ; Jlihlibhfor. Anfihuje der Kunst. 172.

— 16 Gardner, Types of gr. coins, III, 9 : llcad, Hist. num. 171. Même motif sur des pierres gravées : Furtwängler, Ant. Gemmen, p. xv, 17, VII, 57 et p. 102, note 2. Pour ic lypede la Nymphe enlevée par un centaure, cf. G. Nicole, A/cidiat et le style fleuri, fig.  2 et 3.

17 Furtwängler-Reichhold, Griechische Vasenmat. pl. xi-xii.

18 Bulle. Die Silene, p. 15 sq.

19 Furtwängler-Reichhold, Griech. Vasenmnl. pl. xi.i.

20 Wurzburg, Urlichs. III, no 331 ; Munich, Jahn, no 605 et 685 ; Petersbourg, Stephani, 216 ; Heydemann. IIIe Winckelmanns progr. pl. ii, 3 ; Brizio. Vasi del museo di Bologna. I, 4.

21 GerUanl, Antike Bildw. pl. lvi. 2, = Baumeister, Denkmäler, no 8 des Planches supplémentaires.

22 Bulle, O. v. p. 23,