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tion. Selon la Théogonie d’Hésiode, elle est fille du Titan Pallas et de FOcéanide Slyx ’ ; elle est donc sœur de Bia, Cratos et Zélos ’^ Hygin ajoute qu’elle est également sœur des Eaux Vives qui sourdent du sol [fontes, LACi’Sj ^ ce qui permet de rattacher son culte primitif à celui des forces victorieuses de la nature*. Denys d’Hali- carnasse identifie le père de Nikè avec le géant Pallas, fils du roi d’Arcadie Lycaon qui avait élevé Atlièna°. Les deux déesses auraient ainsi grandi ensemble ; et plus lard la puissante Atlièna aurait pris Nikè sous sa pro- tection. Mais cette légende, même si elle est d’origine arcadienne, semble inventée tardivement pour expliquer leurs étroits rapports dans les cultes grecs. Enfin des légendes de basse époque et sans valeur mythologique présentent Nikè comme fille de Zeus ", par confusion avec Athèna, ou comme tille d’Ares’, pour une raison de pur symbolisme. Dans la poésie grecque et latine, les épithètes trahissent l’indigence du mythe et le vague de la personnalité*. Titanide ’ Vierge ’", Thalamépole " ou servante des dieux, Orkios’- ou gardienne des ser- ments, elle est surtout qualiliée de Dame" Auguste’*, Bienheureuse ’% Très-Puissante"^, Glorieuse et qui donne la gloire. Les poètes n’ont su la dépeindre qu’avec des boucles noires, de belles chevilles, des ailes et un beau parler’*. Par contre, elle n’a cessé d’inspirer heureusement les artistes : peintres et sculpteurs ont reproduit dans toutes ses applications possibles le motif symbolique et allégorique de la Victoire ; l’art grec et l’art gréco-romain lui doivent quelques-unes de leurs plus nobles et aussi de leurs plus gracieuses créa- lions.

. Nikè d..s les cultes grecs. — Le culte de .Nikè se manifeste sous quatre aspects différents.

1° Nikè s’identifie avec de grandes divinités poliades ; c’est pourquoi on la qualifie de polyonyme". Déjà la grande déesse asiatique des vu* et vi« siècles, dénom- mée Kybébé par les gens de Sardes et assimilée par les Ioniens à leur .Vrtémis, déesse ailée qui lient des qua- drupèdes ou des volatiles en signe de victoire et de

< Hesiod. Theag. 3S3 sq. ; BacchyL éd. Blass, 1899, Epigr. 1, 1 (licrgk, iS, t ; .4 nthol. Pal. VI, 313) ; cf. ApoUodor. 1, i, * ; Scrv. ad Aen. VI, i3t ; Gruppc, Gr. Mijthol. p. 1066 n.3, 1084n. d-.f^raM.Cults of gr. States, V, p. 3li.— 2 Hesiod. loc.cit. ; cf. Paul.Émile, avant la bataille contre Pcrsêe, invoquant ipà-ro ; r.tXi-^t’j xvX -ntr^-’-, Plut. Aem. Paul. 19,3 ; oracles prometlant ««r.y «aï ijàTo ;, l’olyb. XXII, iO ; Plut. Marins, 18. — 3 Hygiu. Fab.prooem. 30, 7 ; éd. Schmidt, p. 11, iO : » ex Pallante et Styge Scylla, Vis, Inridia, Potestas, Victoria, Fontes, Lacas ■>. — ^Sur ce caractère de Nikè cf. Baudrillart, Op. cit. p. 18 et Hadct, La Nikè volante, dans C. r. Acad. mscr. 190s, p. 231. — » Dion. Hal. I, 32, 10 ; cf. Gruppe, Op. cit. p. lOCfi. — 6 Himer. Or. 19, 3. Son erreur parait provenir d’une fausse iuter- prélatioa d’un passage de Ménandrc, e^-aiÈptia... lîaçeivj ; N-x» ;; Corn. Alt. fragm. éd. Kock, fr. 616. Mais cette lille d’un père illustre est Alhèna Mkè, comme l’a bien compris le scboliaste d’Aristide, p. 301, éd. Dindorf ; cf. Sikes dans llassical Jleview, 189’), p. iSi. — ’■ Orph. hymn. 88,4 ; cf. Gruppe, Op. cit. p. 1084.

— » Cf. Bruchmann, Epillieta deorum (/nae apud poêlas gr. leguiitur, Ifi’JS, s. v. Nt.ï ;. Pour la ditTèrence entre les épitbctes latines et grecques de la Victoire cf. Baudrillart, op. cit. p. H. — 9 Nonn. Oionys. Il, ii9. — >« Cf. Anthol. Planvd. 28i, 1. — Il .Nonn. Dionys. V, lOS. — 12 Ibid. XIII, 4Î6 ; cf. Wueuscli dans Ulictn Muséum, LV, 1900, p. 76. — 13 Ai»7 :o.»a, Arisloph. Lys. 317 ; >«, ;* !,., Anthol. Pal. XV, 46, 3. — I» Eî^v,i, Eurip. Or. 1691 ; Phoen. 1764, Iph. Taur. 1497 ; cf. Lucian. Piscat. 39. n<,Tvi«, Herodot. VIII, 77 ; Baccbyl. éd. Blass, 1899, Carm. XI (XII), 5 ; Anthol. Pat. XIV, 98, 8 ; Anthol. Plan.3iu, 1. — I5Mà«nja, Eurip. 70)1, 457 ; Orph. hymn. 33, 8. — 16 EOSi.aT. ;, ii-id. 33, 1 ; cf. ti-iUy, ;, ffom. hymn. Vill, 4. — n E :8oI<, ;, Simonid. £p. 149, 4 Eergk {Anthol. Pal. VI, 213) ; Orph. hymn. 33, 7 et 9 ; n.jaiivano ;, Soph. Aniig. 148. Par suite elle est la Désirable, ^o«i-..r,, Orph. If. 33, 1 ; cf.Y/,i„iSu}o ;, Baccbyl. éd. Blass, Carm. X, 1 (61. Kenyon, XI ; Bcrgk, fr. 9). — 18 Ku«.«isiii«iiio ;, ioid. V, 33 ; »«’*>.C»5.jjo ;, Hesiod. Theoi,. 384 ; .«Tà=Tt5’, ;, ou sans ailes, àttijo ; Anthol. Pal. I., 647, i ; t,i^i-t :t,, Orph. E. 36. Par allusion aui monumeuls Ogurés, elle est dite aussi conductrice de cbar, SîjfEldii.s», Anth. Plan. IV, 359, 1, ou la Dorée, /jjsie, Pind. Jsthm. Il, 39 (i6|.

— 19 Baccbyl. éd. Blass. Epigr. I. 1 (éd. Kenyon 71, Bcrgk 48 ; Anthol. P<il. VI, 331). — 20 Cf. Radet, La Nikè eolante, loc. cit. p. iH sq. — 21 Inscr. gr. iic.

domination sur les animaux, nous apparaît comme une Arténiis-.Nikè -". La Grande Mère des cités anatoliennes, comme l’Anahita persique et la Ma cappadocienne, donne le succès dans les combats ; on invoque la Ntx-f| Moc-ripo ;’-'. Elle conservera dans la religion romaine ses attributions de Dame des Victoires’--. Dans la Grèce classique, la Nikè par excellence est Alhèna" ; la déesse des acropoles prend naturellement le caractère d’une Promachos, qui combat au premier rang, et par consé- quent d’une Nikaia-*, qui mène à la victoire [minerva]. Aussi, de toutes les divinités helléniques, selon l’e.pres- sion du rhéteur Aristide, Attièna est-elle la seule homo- nyme, et non pas seulement éponyme, de Nikè ^° : « Athèna, ô Nikè souveraine ! ^° » Les .Vlhéniens jurent « par ,thèna Nikè, qui vint jadis sur son char secourir Zeus contre les Géants^’ ». Ils adorent, en ell’el, une Alhèna Nikè, hypostase de l’Alhèna Polias ^’. Sur l’Acropole même elle a son autel, son image et son temple. Quand les éphèbes accomplissent leur sacrifice annuel de vaches sur le grand autel d’.Vlhèna Polias, ils en réservent une, et des plus belles, pour l’autel d’Alhèna Nikè ’". Son image est une vieille statue de bois {xoanon), ce qui semble prou- ver un culte fort ancien ; elle tient dans la main droite une grenade, autre témoignage d’archaïsme, et de la main gauciie un casque’"'. Son temple de marbre, qui se dresse à l’avant de la colline sacrée, sur le bord d’un bastion, date de l’époque de Périclès " : un peu antérieur au Parthénon et aux Propylées, il fut construit vers 4.j0 par l’un des architectes du Parliiénon, Callicratès ^^. On y consacrait à la déesse des couronnes d’or", des hydries d’argent", des vases à parfums^". Dans l’en- ceinte du temple, une statue d’Alhèna Nikè rappelait la victoire sur les Ambraciotes (Wo av. J.-C.) " ; on y dédia sans doute aussi la Nikè en bronze commémorant la prise de Sphactérie (même année) ^’.Antigone Gonatas y cimsacra des ex-voto après sa victoire de Lysimachia sur les Gaulois ^*. Sous l’Empire, nous connaissons un T. Flavius .Vlcibiades, prêtre de la xNikè de l’Acropole"".

Jt. 2407, 7 a ; cf. Graillol, Le culte de Cytiéle à /tome et dans l’empire romain, 1912, p. 3G. — 22 Jbid. p. 32, 48, 53, 93, 103, 461. — î^Gcrbard, Akad. Abhand- lungen, I, p. 230 sq. ; Baudrillart, op. cit. p. 7-21 ; Faruell, op. cit. , p. 338-342 ; Bulle dans Ilosclier, op. cit. III, p. 310 sc|. ; Gruppe, op. cit. p. 1066. — 24 Noun. Dionys. XXXVII, 623. — 2i Aristid. Alhèna, p. 26. — 20 Euripid. /o ;i, 457.

— 27 Ibid. 1528 ; elle est dite seulement INikô dans une invocation, Phoenic. 1704 sq. — 28Sopbocle, Philoct. 134, la nomme Ki’.., ’AOà.a no’iiiiî (Mx, seulement ’ dans Antig. 144) ; cf. Nonn. Dionys. XXVll, 63 ; Suidas, s. v. Tylsia ’AOr,và, con- lirme l’identité d’Atbèna. de Nikè et d’Hygie. Eustatbc. 1245, 26, reproduit un myllie, probablement d’épo<|ue belléiiislique, essayant de concilier toutes les tradi- tions : en même temps que Zcus donnait le Jour à Allièna, il triompbait des Titans ;

" c’est pourquoi Allièna fut appelée iNikè, en mémoire du courage paternel, et ce nom exprime la puissance victorieuse de la sagesse » ; cf. 880 ; Baudrillart, op. cit^ p. 15. _ 29 C. i. Att. Il, 163 et 471, 1. 14 : -■(, Wir, ;- ?. T>i Ni»/i. — 30 Heliodor. oilc par Suidas, s. v. Niscii ’Aîr.và. — 31 On fixait tantôt â l’aiinéc 465, tantôt à 435, ou même 425, la date de ce gracieux petit temple, qui fut renversé par les Turcs en 1687 et réédilié en 1835. Une inscription découverte par Cavvadias nous apprend d’abord qu’il s’appelait officiellement temple d’Atbèna Nikè et non de Nikè Aptéros, comme on lit dans Pausanias, ensuite qu’il fut construit vers 450 : ’iizr,y.. &oi. 1897, p. 173- 194 et pi. xi ; cf. C. r. Acad. inscr. 1897, p. 548-352. Cette date avait été entrevue par Cari Robert, ûer Auf ang :ur Akropolis, dans Kiessiing el Wilamowitz-Môllendorf, Philolog. Untersuehungen, I, 1880, p. 184 sq. Sur cet édilice, voir Judeich, Topogr. ron Athen, 1905, p. 73, 200-203 ; Kûster, ÙasAltar des Athena-Nikelempels, Jahrbuch d. InsH’JOa, p. 129-14". Comptes du trésor du temple de l’an 426 à l’an 422 : f. i. Att. I, 273 ; Ditteoberger, Sylloge, 29, I. 51, 104, 113 ; comptes en 410, Ci. Att. I, 188, 189 ; Ditl. 44. - 32 11 construisit aussi les Longs Murs qui reliaient Atbèncs au Pirée. — 33 C. i. Att. Il, 678 A 1, I. 13 (entre les années 378 el 367) ; 699, I, I. 3i ; 700 1. 8-9 (vers l’an 347-340) ; 701,1. 28 (vers l’an 344-343) ; 728 A, 1.21 (vers l’an 312-31 1) ; 729, I. 3. — 34 «ii. 677, 1. 38 (vers 367-366) ; 681, 1. 8 ; 699, II, 1. 3. — 35 JUd. 698, II, 15, irîifv^f" ’j^yiaT,io.o. (vers Tan 350). — 36 fbid. IV, 2, p. 02, n» 198 C. —37 Paus. IV, 36, 6.

— 38 C. i. Att. IV, 2, p. 9V, n» 371 B et la note de Koehler. — 39 Jbid. Il , 639