Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/40

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femme divine, approche-toi, presse ton sein contre ma poitrine, étouffe ma férocité et achève de me résigner à mon sort.

SCENE VII.

LE PÈRE, LA MÈRE.

LA MERE.

Bonsoir, mon ami ; donne-moi ta main, embrasse-moi, tu ne m’as pas embrassée de la journée. Que faisais-tu là tout seul ? Pourquoi n’es-tu pas rentré dans la cabane avec tes enfants ?

LE PÈRE.

J’attendais le retour de Simon… Te le dirai-je ?… pour la première fois de ma vie, j’ai craint de te voir.

LA MÈRE.

Et pourquoi ? Ne suis-je plus l’âme de ton âme ? Est-ce que tu ne sentirais plus le désir de l’asseoir à mon côté ?

LE PÈRE.

Je t’ai rendue si malheureuse !

LA MÈRE.

Je ne le suis que quand tu crois l’être.

LE PÈRE.

Et quand le serai-je, quand croirai-je l’être, si ce n’est au moment où ma femme et mes enfants sont menacés d’expirer sous mes yeux ? Ô ma femme ! ô mes enfants ! Dieu cruel que j’invoque, Dieu sourd qui ne m’entends pas !…

LA MÈRE.

Arrête, mon ami, tu désespères ! Et pourquoi désespères-tu ? Parce qu’il plaît à l’Être impénétrable, dont les voies nous sont inconnues, et qui n’a rien fait que pour lui, d’éprouver aujourd’hui ton courage et ta confiance en te réduisant à la condition habituelle des oiseaux du ciel ? Le soir, lorsqu’ils se couchent, ils n’ont rien ; le matin, quand ils s’éveillent, ils n’ont rien, cependant ils ne meurent pas. Mon ami, si tu veux