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un objet proche à-travers le polyhédre, autant de fois répété que le polyhédre a de faces.

Ainsi, l’on peut multiplier les images des objets dans une chambre obscure, en plaçant un polyhédre à son ouverture, & en y ajoutant une lentille convexe à une distance convenable. Voyez Chambre obscure.

Pour faire une anamorphose, c’est-à-dire, une image défigurée, qui paroisse réguliere & bien faite à-travers un polyhédre ou un verre qui multiplie les objets, à une extrémité d’une table horisontale élevez-en un autre à angles droits, où l’on puisse dessiner une figure ; & sur l’autre extrémité élevez-en une seconde, qui serve comme d’appui ou de support, & qui soit mobile sur la table horisontale : appliquez à la table, qui sert de support, un polyhédre plan convexe, consistant, par exemple, en 24 triangles plans ; ajoutez le polyhédre dans un tube qui se tire, c’est-à-dire, qui peut s’alonger & se raccourcir, l’extrémité tournée vers l’œil ne doit avoir qu’une très-petite ouverture, & être un peu plus éloignée que le foyer. Eloignez la table d’appui de l’autre table perpendiculaire, jusqu’à ce qu’elle soit hors de la distance du foyer, & cela d’autant plus, que l’image doit être plus grande ; au-devant de la petite ouverture placez une lampe ; & sur le plan vertical ou sur du papier que l’on y appliquera, mettez au trait avec du noir de plomb les aréoles lumineuses qui viennent des faces du polyhédre.

Dans ces différentes aréoles, dessinez les différentes parties d’une image de maniere qu’étant jointes ensemble elles fassent un tout, ayant soin de regarder de tems-en-tems à-travers le tube, pour guider & corriger les couleurs, & pour voir si les différentes parties se répondent ou s’assortissent bien exactement.

Remplissez les espaces intermédiaires de toutes sortes de figures ou de desseins à volonté que vous imaginerez, de maniere qu’à l’œil nud le tout fasse voir une apparence fort différente de celle que l’on se propose de représenter avec le polyhédre.

Si l’on se remet à regarder par la petite ouverture du tube, on verra les différentes parties ou les différens membres, qui sont dispersés dans les aréoles, représenter une image continue ; parce que tous les objets intermédiaires disparoissent totalement. Voyez Anamorphose. Wolf & Chambers. (O)

POLYHYMNIE, ou POLYMNIE, (Mythol.) de πολὺ, beaucoup, & ὕμνος, hymne ; c’est une des muses, ainsi nommée de la multiplicité des chansons ; on la regarde comme l’inventrice de l’harmonie, c’est pourquoi on la représente avec une lyre, ou un barbiton, selon Horace. Hésiode & plusieurs autres la nomment Polymnie, & alors on dérive son nom de μνάομαι, se ressouvenir, pour la faire présider à la mémoire & à l’histoire qui en dépend. On la peint avec une couronne de perles, la main droite étendue, comme à un orateur, & à la gauche un rouleau, sur lequel on lit suadere, persuader : en ce cas elle présidoit à l’éloquence. (D. J.)

POLYMATHIE, s. f. (Belles-Lettres.) connoissance de plusieurs arts & sciences, grande & vaste étendue de connoissances différentes. Voyez Encyclopédie. Ce mot vient du grec πολὺ, multum, & μανθάνω, disco, j’apprends.

Juste Lipse, Scaliger, Saumaise, Pétaut, Kirker, Grossius & Léibnitz étoient de grands polymathes. Les anciens appelloient ces sortes de gens polyhistores.

La polymathie n’est souvent qu’un amas confus de connoissances inutiles, qu’on débite à-propos & hors de propos pour en faire parade. La véritable polymathie est une vaste érudition, une connoissance d’un grand nombre de choses, bien pénétrées, bien digé-

rées, que l’on applique à-propos, & pour la nécessité

seule du sujet que l’on traite.

POLYMITHIE, s. f. (Belles-Lettres.) terme de poétique qui signifie une multiplicité de fables dans un poëme épique ou dramatique, au lieu de l’unité d’action qui doit y regner. Voyez Fable, Unité, Action.

La polymithie est un des plus grands défauts qui puissent se rencontrer dans un poëme. Car outre qu’elle y jette la confusion en compliquant des fables ou des actions qui ne concourent pas à un même but, elle partage nécessairement l’intérêt, & par conséquent elle l’affoiblit. Voyez Action.

Telle seroit l’idée d’une théseïde, d’une héracléïde, d’une achilléïde ou d’autres poëmes semblables, qui comprendroient toutes les actions, toute la vie des héros qui en seroient le sujet, comparées à l’Iliade ou à l’Enéïde. Voyez Heros, Epique.

Quelques pieces de notre ancien théâtre, de Lope, de Vega, de Shakespear péchent par la polymithie, l’Henri VI. & le Richard III. de ce dernier ne sont point de ces pieces où regne l’unité d’action, ce sont des histoires d’événemens arrivés dans le cours de plusieurs années.

POLYMITUM opus, (Critique sacrée.) πολύμιτος, α, ον, ouvrage tissu de fils ou de soies de diverses couleurs. Fecit ei tunicam polymitam, Gen. xxxvij. 3. Jacob fit à Joseph une tunique de différentes couleurs. Ezéchiel voulant reprocher à la ville de Jérusalem son luxe & ses débauches, lui dit, qu’elle s’étoit parée d’habits & de robes précieuses de diverses couleurs : ornata est auro & argento, & vestita bysso ac polymito. Exod. v. 28. 6.

Polymitarius dans l’Ecriture, est l’ouvrier qui fait des ouvrages, des voiles, de divers fils & de diverses couleurs. Ceux qui excelloient dans cet art que Moise vouloit encourager parmi les Juifs, sont dits y avoir été formés par Dieu même : cunctos erudivit sapientia, ut faciant opera abietarii, polymitarii, plumarii, de hyacinto, purpura coccoque tincto, & bysso. Exod. xxxviij. 23. (D. J.)

POLYMITUS LAPIS, (Hist. nat.) pierre dans laquelle on voit un grand nombre de couleurs.

POLYNOME, (Géom.) Voyez Multinome.

POLYOPTRE, s. m. terme d’Optique, qui se dit d’un verre, à-travers lequel les objets paroissent multipliés, mais plus petits ; ce mot est formé du grec πολὺ, beaucoup, & de ὄπτομαι, je vois.

Le polyoptre, tant dans sa structure que dans ses phénomenes, differe des verres ordinaires, qui multiplient les objets, & que l’on appelle polyhedre. Voyez Polyhedre.

Construction du polyoptre. Prenez un verre AB plan des deux côtés, dont le diametre soit d’environ trois pouces (Pl. d’Opt. fig. 73.), faites dans son épaisseur des segmens sphériques, dont la largeur ait à peine la cinquieme partie d’un doigt.

Alors si vous éloignez le verre de votre œil, jusqu’à ce que vous puissiez embrasser toutes les concavités d’un seul coup d’œil, vous verrez le même objet comme à-travers d’autant de verres concaves qu’il y a de concavités ; mais cet objet vous paroîtra fort petit.

Ajustez ce verre de la même maniere qu’un verre objectif, à un tube ABCD, dont l’ouverture AB soit égale au diametre du verre, & l’autre ouverture CD soit égale à celle d’un verre oculaire c, a, d, d’environ la largeur d’un pouce.

La longueur du tube AC doit être égale à la distance que l’on trouvera par expérience entre le verre objectif, & le verre oculaire.

Ajustez en D un verre oculaire convexe, ou en sa place un menisque, dont la distance du foyer principal soit un peu plus grande que la longueur du