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corps du soleil, & on peut dire par conséquent qu’elle tourne autour du soleil.

En un mot, supposer la terre en repos, c’est confondre & détruire tout l’ordre & toute l’harmonie de l’univers ; c’est en renverser les lois ; c’est en faire combattre toutes les parties les unes avec les autres ; c’est vouloir enlever au créateur la moitié de la beauté de son ouvrage, & aux hommes le plaisir de l’admirer. En effet, on rend par-là inexpliquables & inutiles les mouvemens des planetes ; & cela est si vrai, que ceux des astronomes modernes qui avoient soutenu cette opinion avec le plus de zele, ont été obligés de l’abandonner lorsqu’ils ont voulu calculer les mouvemens des planetes. Aucun d’eux n’a jamais tenté de calculer ces mouvemens dans des spirales variables, mais ils ont tous supposé tacitement dans leur théorie que la terre se mouvoit sur son axe, & ils ont changé par-là les mouvemens diurnes en cercles.

Riccioli, par exemple, qui par ordre du pape, s’opposa de toutes ses forces au mouvement diurne de la terre, comme contraire à l’Ecriture-sainte, fut cependant obligé, pour construire des tables qui se rapportassent un peu aux observations, d’avoir recours au mouvement de la terre.

C’est ce qu’avoue franchement le P. des Chales de la même société. P. Ricciolus nullas tabulas aptare potuit quæ vel mediocriter observationibus responderent, nisi secundum systema terræ motæ ; & cela quoiqu’il s’aidât de tous les secours étrangers qu’il pouvoit tirer des épicycles.

Le système qui suppose la terre en repos, est donc par lui-même absolument inutile dans l’Astronomie, & on n’en doit pas faire beaucoup de cas en Physique, puisque ceux qui le soutiennent sont obligés à tout moment d’avoir recours à l’action immédiate de la divinité, ou-bien à des raisons & à des principes inconnus.

Il y a des auteurs qui rejettent le mouvement de la terre comme contraire à la révélation, parce qu’il est fait mention dans l’Ecriture-sainte du lever & du coucher du soleil ; qu’il y est dit, par exemple, que le soleil s’arrêta dans le tems de Josué, & qu’il recula dans le tems d’Ezéchias.

Mais on ne doit entendre autre chose par lever du soleil, que le retour de son apparition sur l’horison au-dessous duquel il avoit été caché ; & par son coucher, autre chose que son occultation au-dessous de l’horison après avoir été visible pendant un tems au-dessus ; ainsi lorsque l’Esprit-saint dit dans l’Eclésiaste, le soleil se leve & se couche, & revient à l’endroit d’où il étoit parti, il n’entend par-là rien autre chose, sinon que le soleil qui auparavant avoit été caché, se voit de nouveau sur l’horison ; & qu’après avoir paru, il se cache de nouveau pour reparoître ensuite à l’orient ; car c’est-là ce qui paroît à une personne qui voit le soleil, & par conséquent c’est cela, & rien de plus que les Ecritures ont dû avoir en vue.

De-même lorsque dans Josué, x. 12. 13. il est dit que le soleil & la lune se sont arrêtés, ce qu’on doit entendre dans cet endroit par le mot de station, c’est que ces luminaires n’ont point changé de situation par rapport à la terre ; car en disant, soleil, arrête-toi sur Gédéon, & toi lune sur la vallée d’Ayalon, ce général du peuple de Dieu n’a pu demander autre chose, sinon que le soleil qui paroissoit alors sur cette ville ne changeât point de situation ; or de ce qu’il demande au soleil de s’arrêter dans la même situation, on seroit très-mal fondé à conclure que le soleil tourne autour de la terre, & que la terre reste en repos.

Gassendi distingue fort à-propos à ce sujet deux livres sacrés ; l’un écrit qu’on appelle la bible, l’autre

qu’on appelle la nature ou le monde ; c’est ce qu’il développe dans ce passage singulier. « Dieu s’est manifesté lui-même par deux lumieres, l’une celle de la révélation, & l’autre celle de la démonstration ; or les interprètes de la premiere sont les théologiens, & les interprètes de l’autre sont les mathématiciens ; ce sont ces derniers qu’il faut consulter sur les matieres dont la connoissance est soumise à l’esprit, comme sur les points de foi on doit consulter les premiers ; & comme on reprocheroit aux mathématiciens de s’éloigner de ce qui est de leur ressort, s’ils prétendoient revoquer en doute, ou rejetter les articles de foi, en vertu de quelques raisonnemens géométriques, aussi doit-on convenir que les théologiens ne s’écartent pas moins des limites qui leur sont marquées, quand ils se hasardent à prononcer sur quelque point des sciences naturelles au-dessus de la portée de ceux qui ne sont pas versés dans la géométrie & dans l’optique, en se fondant seulement sur quelque passage de l’Ecriture-sainte, laquelle n’a prétendu nous rien apprendre là-dessus ».

Après avoir ainsi prouvé le mouvement de la terre ; il faut observer de plus que la terre va dans son orbite de maniere que son axe se maintient constamment parallele à lui-même. Voyez Axe & Parallélisme.

L’axe de la terre a cependant un petit mouvement autour des poles de l’écliptique ; c’est de ces mouvemens que dépend la précession des points équinoxiaux. Voyez Mutation & Précession.

Sur l’inclinaison de l’axe de la terre, voyez Inclinaison, Ecliptique & Obliquité.

Terre, en Géométrie, est ce globe mêlé de parties solides & fluides que nous habitons Voyez Terraquée ; voyez aussi Océan, Mer, Continent &c. Wolf & Chambers. (O)

Terre, couches de la, (Hist. nat. Minéralogie.) strata telluris ; l’on nomme couches de la terre les differens lits, ou bancs de terres, de pierres, de sables, &c. dont notre globe est composé. Pour peu qu’on observe la nature, on s’apperçoit que le globe que nous habitons est recouvert d’un grand nombre de différentes substances, disposées par couches horisontales & paralleles les unes aux autres, lorsque quelque cause extraordinaire n’a point mis obstacle à ce parallélisme. Ces couches varient en différens endroits, pour le nombre, pour leur épaisseur, & pour la qualité des matieres qu’elles contiennent ; dans quelques terreins on ne trouvera en fouillant à une très-grande profondeur, que deux, trois, ou quatre couches différentes ; tandis que dans d’autres, on trouvera trente ou quarante couches placées les unes au-dessus des autres. Quelques couches sont purement composées de terres, telles que la glaise, la craie, l’ochre, &c. d’autres sont composées de sable, de gravier ; d’autres sont remplies de cailloux & de gallets, ou de pierres arrondies, semblables à celles que l’on trouve sur le bord des mers & des rivieres ; d’autres contiennent des fragmens de roches qui ont été arrachés ailleurs & rassemblés dans les lieux où on les trouve actuellement ; d’autres couches ne sont composées que d’une roche suivie, qui occupe un espace de terrein quelquefois très-considérable ; ces roches ne sont point par-tout de la même nature de pierre ; tantôt c’est de la pierre à chaux, tantôt c’est du gypse, du marbre, de l’albâtre, du grais, du schiste, ou de l’ardoise, & souvent il arrive que la roche qui forme une couche, est elle-même composée de plusieurs bancs, ou lits de pierres, qui different entre elles : on trouve des couches qui sont remplies de matieres bitumineuses ; c’est ainsi que sont les mines de charbon de terre. Voyez Charbon minéral. D’autres sont un amas de matieres