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CHAPITRE IV

La Nature éducatrice

Leconte de Lisle a raconté lui-même comment la nature, que, pendant sa première jeunesse il avait contemplée dans l’adoration de ses sens, lui fut, à la fin, révélée, non plus comme une berceuse d’inconscience, comme une maîtresse de volupté, ou comme une évocatrice de descriptions — mais comme l’éducatrice philosophique de toute pensée.

« … Je ne puis, dit-il, me rappeler sans un profond sentiment de reconnaissance l’impression soudaine que je ressentis, tout jeune encore, lorsque les Orientales de Victor Hugo me furent données, autrefois, sur la montagne de mon île natale, quand j’eus cette vision d’un monde plein de lumière, quand j’admirai cette richesse d’images si neuves, si hardies, ce mouvement lyrique irrésistible, cette langue précise et sonore. Ce fut comme une immense et brusque clarté illuminant la mer, les montagnes, les bois, la nature, d’un pays, dont, jusqu’alors, je n’avais entrevu la beauté et le charme étrange que dans les sensations confuses et inconscientes de l’enfance…[1] »

  1. Discours de réception à l’Académie française, 31 mars 1887.