Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

esprit d’imitation ! Ainsi, j’ai connu un monsieur, qui ne pouvait se résoudre à porter ni des galoches ni la pelisse, malgré la boue ou le froid. Ce monsieur avait un pardessus, bien pris à la taille, qui lui donnait un chic si parisien qu’il ne pouvait se résigner à endosser une pelisse, pas plus qu’à déformer ses pantalons par les galoches. Il est vrai que tout l’« européanisme » de ce monsieur se réduisait à un complet bien fait ; et c’est pourquoi il aimait la civilisation de l’Europe. Mais il tomba victime de son sentiment, après avoir recommandé qu’on l’ensevelisse dans son plus beau pantalon. On commençait à vendre dans les rues des alouettes rôties, quand on l’enterra.

Chez nous, par exemple, il y avait un splendide opéra italien ; on ne peut pas dire que l’année prochaine ce sera mieux, mais ce sera encore plus riche. Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble toujours que nous avons l’opéra italien, pour le bon ton, comme par devoir. Nous n’avons pas bâillé (il me semble cependant qu’on a bâillé un peu), mais nous nous sommes conduits si convenablement, si posément, nous avons discuté avec tant d’intelligence, sans imposer aux autres notre enthousiasme, qu’il semblait bien que nous nous ennuyions. Loin de moi l’idée de blâmer notre savoir-vivre mondain. L’opéra, sous ce rapport, a été très utile au public en le divisant naturellement en mélomanes, en enthousiastes et en simples amateurs. Les uns sont allés en haut où, à cause de cela, il s’est mis à faire si chaud qu’on s’y serait cru en Italie. Les autres sont restés assis dans leurs fauteuils, comprenant leur importance – l’importance du public instruit, l’importance de l’Hydre à mille têtes qui a