Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/233

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son poids, son caractère, qui prononce son jugement, ne s’étonne de rien sachant d’avance qu’en cela est la vertu principale d’un homme du monde bien élevé.

Quant à nous, nous partageons complètement l’opinion de cette dernière partie du public. Nous devons aimer l’art avec modération, sans emballement, et sans oublier nos devoirs. Nous sommes un peuple d’hommes d’affaires. Parfois même nous n’avons pas le temps d’aller au théâtre. Nous avons tant de choses à faire. C’est pourquoi ils m’ennuient, ces messieurs qui se croient tenus de se mettre hors d’eux, qui considèrent comme leur devoir de stimuler l’opinion publique par leur enthousiasme de principe.

Quoi qu’il en soit, malgré tout le charme de Borsi, de Guasco et de Salvi chantant leurs rondos et leurs cavatines, nous avons traîné l’Opéra comme un stère de bois ; nous sommes fatigués et si, à la fin de la saison, nous avons jeté des fleurs sur la scène, c’était comme en réjouissance qu’elle fut terminée.

Ensuite est venu Ernst [1]. À peine si Pétersbourg a rempli la salle pour son troisième concert. Aujourd’hui nous lui disons adieu. Nous ne savons pas s’il y aura des fleurs.

L’opéra n’a pas été notre seul plaisir. Nous en avons eu d’autres. Des bals magnifiques, des bals masqués. Mais l’artiste merveilleux nous a conté ces jours-ci, sur son violon, ce que c’est qu’un bal masqué dans le Midi [2] ; et moi, je me suis contenté de ce récit et ne suis pas allé dans nos nombreux bals masqués du Nord.

  1. Célèbre violoniste.
  2. Au cours de son concert, Ernst avait joué Le Carnaval de Venise, de Paganini.