Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/235

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son temps à lire ? Que l’Italie forme des artistes, que Paris les lance ! Avons-nous le temps d’instruire, de choyer, d’encourager, de lancer un nouveau talent, un chanteur, par exemple ? De là-bas, on nous les expédie déjà tout prêts, avec leur gloire. De même il arrive souvent chez nous qu’un écrivain ne soit pas compris, qu’il soit rejeté par toute une génération. Des dizaines d’années plus tard, après deux ou trois générations, on le reconnaît et les plus conscients des vieillards se contentent de hocher la tête.

Nous connaissons notre caractère. Souvent nous sommes fâchés contre nous-mêmes et contre les devoirs qui nous sont imposés par l’Europe. Nous sommes sceptiques, nous tenons beaucoup à l’être, et, avec un grommellement sauvage, nous nous écartons de l’enthousiasme, nous en défendons notre âme slave sceptique. Parfois on a le désir de se réjouir. Mais si l’on allait tomber mal à propos, faire une gaffe, se réjouir à tort, que dirait-on de nous ? Ce n’est pas en vain que nous aimons tant les convenances. D’ailleurs, laissons cela. Mieux vaut nous souhaiter un bon été, pour nous bien promener et nous reposer. Où allons-nous, messieurs ? À Reval ? À Helsingfors ? Dans le midi, à l’étranger, ou, tout simplement, à la campagne ? Que ferons-nous là-bas ? Pêcher à la ligne, danser (les bals d’été sont si jolis), nous ennuyer un peu, ou gardernotre service à la ville, et, en général, unir l’utile à l’agréable ? Si vous voulez lire, prenez deux numéros de la revue Sovremennik [1] : mars et avril. Vous y trouverez, comme on sait, un roman : Une histoire banale.

  1. Le Contemporain.