Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/248

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Pavel Loukitch. Il proposa de jouer à colin-maillard. La pauvre malade Anna Ivanovna eut comme un pressentiment. Mais, gagnée par le désir général, elle autorisa le colin-maillard. Ah, messieurs, cela me reporte à quinze ans, quand moi-même je jouais à colin-maillard. Quel jeu ! Et ce Pavel Loukitch ! Ce n’est pas en vain que Sachenka aux yeux noirs, amie d’Olga, chuchote, en se serrant contre le mur, et tremblant de l’attente, qu’elle est perdue. Ce Pavel Loukitch est si terrible ; et c’est lui qui a les yeux bandés. Les petits enfants, s’étant mis dans un coin, sous une chaise, firent du bruit, près d’une glace. Pavel Loukitch se jeta du côté d’où venait le bruit. La glace trembla, quitta ses pitons rouillés et, par-dessus sa tête, tomba par terre et se brisa en mille morceaux. Ah ! quand j’ai lu cela, il m’a semblé que j’avais moi-même cassé cette glace, que j’étais moi-même coupable de tout cela !

Anna Ivanovna pâlit ; tous prirent la fuite, car la peur les avait tous saisis. Qu’allait-il arriver ? Avec crainte et impatience j’attendais le retour d’Ivan Kirilovitch. Je pensais : voilà, il rentrera ivre ; au-devant de lui, sur le perron, sortira la grand-mère, cette vipère, un type de l’ancien Moscou, et elle lui chuchotera quelque chose, probablement sur le malheur arrivé. Mon cœur commençait à battre. Soudain éclate l’orage. D’abord, avec un fracas de tonnerre, qui, peu à peu, se calma ; j’entendis la voix d’Anna Ivanovna. Trois jours après, elle était au lit ; et un mois plus tard elle mourait de phtisie galopante. Alors quoi, tout cela à cause d’une glace brisée ! Mais, est-ce possible ? Oui, et elle est morte. Il y a un charme à la Dickens dans la description des dernières minutes de cette vie inconnue, effacée. Et