Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/255

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de s’amuser à la campagne et de bâiller le moins possible. On sait que le bâillement, à Pétersbourg, est une maladie comme la grippe, les hémorroïdes ou la fièvre, maladie dont on se délivre difficilement par n’importe quelle cure, même la cure mondaine. Pétersbourg se lève en bâillant ; en bâillant, il accomplit ses devoirs et, en bâillant, il se couche. Mais il bâille surtout dans ses mascarades et à l’Opéra. Pourtant l’Opéra est parfait chez nous. Les voix des merveilleux chanteurs sont si sonores, si pures que déjà on en parle dans tous les autres pays, dans toutes les villes et bourgades. Chacun sait déjà qu’il y a à Pétersbourg un opéra, et chacun nous envie. Cependant Pétersbourg s’ennuie quelque peu et, à la fin de l’hiver, l’Opéra lui devient ennuyeux, comme, par exemple, le dernier concert. Mais, il ne faut pas appliquer cette observation au concert d’Ernst qui a été donné dans un but très charitable. Il est arrivé une étrange histoire. Au théâtre, il y avait une si forte bousculade que beaucoup de personnes, pour sauver leur vie, ont décidé de faire une promenade au Jardin d’été qui, ce jour-là, comme par un fait exprès, était ouvert au public pour la première fois. C’est pourquoi la salle de concert paraissait vide. Mais tout cela n’est qu’un malentendu, pas plus. La caisse pour les pauvres s’est bien remplie. Nous avons entendu dire que beaucoup de gens ont envoyé leur obole et ne sont pas venus au concert, ayant peur de la foule, peur tout à fait naturelle.

Vous ne pouvez vous imaginer, messieurs, quel devoir agréable c’est de parler avec vous des nouvelles de Pétersbourg et de décrire, pour vous, la vie à Pétersbourg. Je dirais même plus : ce n’est pas un devoir,