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pour s’éveiller le lendemain matin dans un coin solitaire. Il me semble que les passants de la rue se moquent des fêtes et des intérêts publics, que là-bas se mouille ce paysan barbu qui a l’air de se sentir mieux sous la pluie qu’au soleil, et le monsieur en loutre qui n’est sorti, par un temps pareil, que pour un bon placement de son capital. En un mot, messieurs, ce n’est pas gai.


15 juin 1847

Juin. La chaleur. La ville est vide. Tous sont à la campagne et vivent des impressions, jouissent de la nature. Il y a quelque chose d’inexplicablement naïf, même quelque chose de touchant dans la nature de notre Pétersbourg, quand soudain, sans qu’on s’y attende, elle montre toute sa puissance, toute sa force, s’habille de verdure, se pare, s’orne et se couvre de fleurs... Je ne sais pourquoi cela me rappelle cette jeune fille maigre, chétive, que vous regardez parfois avec commisération, parfois avec un sentiment de pitié, ou que, parfois, tout simplement, vous ne remarquez pas, et qui soudain, en quelques jours, et comme par hasard, devient merveilleusement belle, et vous étonne et vous frappe. Alors vous vous demandez malgré vous quelle force fait briller cette flamme dans ces yeux toujours tristes et pensifs. Qu’est-ce qui attire le sang à ces joues pâles ? Qu’est-ce qui anime de passion les traits doux de ce visage ? Pourquoi cette poitrine se gonfle-t-elle ainsi ? Qu’est-ce qui a provoqué tout d’un coup, la force, la vie, la beauté dans ce visage de femme, l’a obligé à briller d’un sourire pareil, à s’animer d’un rire si séduisant ? Vous regardez autour de vous ; vous cherchez quelque chose ; vous devinez... Mais le moment