Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/263

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et expliquez-lui seulement que cette affaire le mènera à quelque chose, le nourrira, par exemple, lui et sa famille, le conduira au but désiré, etc. Immédiatement l’Allemand se mettra au travail, terminera cette besogne et y introduira quelque nouveau système particulier. Mais, est-ce bien ? Oui et non. Dans ce cas, en effet, l’homme arrive à une autre extrémité effrayante, à l’immobilité flegmatique qui, parfois, exclut totalement la conscience de l’homme et met à sa place un système, une obligation, une formule, et l’admiration absolue de la coutume ancestrale, bien que cette coutume ne soit plus à la mesure de notre siècle. La réforme de Pierre le Grand, qui créa en Russie l’activité libre, serait impossible avec un élément pareil dans le caractère national, élément qui prend souvent une forme naïve et belle, mais parfois extrêmement comique. On a vu un Allemand rester fiancé jusqu’à cinquante ans, donner des leçons aux enfants de propriétaires russes, ramasser un petit pécule et s’unir enfin, en union légitime, avec sa Minchen, desséchée de cette longue attente, mais héroïquement fidèle. Le Russe ne supporterait point cela. Il cesserait plutôt d’aimer, ou se laisserait entraîner, ou ferait quelque autre chose. Contrairement au proverbe, on peut dire que ce qui est bon pour l’Allemand est mortel pour un Russe. Et y a-t-il beaucoup de Russes parmi nous qui soient capables d’arranger comme il faut les affaires d’amour ? Car chaque affaire exige le désir, l’effort de tout l’être. Sont-ils nombreux enfin ceux qui ont trouvé leur voie ? En outre, il y a des activités qui exigent des moyens préalables, une garantie, et il est des affaires pour lesquelles l’homme n’a pas de penchant ; il laisse aller et l’affaire sombre. Alors