Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/127

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suis capable, et comme je suis développé ! » pensais-je par instant, m’adressant dans mes pensées au canapé sur lequel se trouvaient mes ennemis. Mais ces ennemis se conduisaient comme si je n’eusse pas été dans la même pièce. Une fois, une seule fois ils se tournèrent vers moi ; ce fut quand Zverkov parla de Shakespeare ; et j’éclatai d’un rire méprisant. Je pouffai d’une façon si vilaine et si affectée, qu’ils interrompirent leur conversation d’un commun accord et en silence, gravement, sans rire, pendant deux minutes environ ils m’observèrent marcher le long du mur, de la table au poêle, affectant de ne faire aucune attention à eux. Mais il n’y eut pas d’autre résultat. Ils ne me parlèrent pas. et deux minutes après, ils négligèrent totalement ma présence. Onze heures sonnèrent.

— Messieurs, cria Zverkov, en se levant du canapé. Allons tous là-bas.

— Sans doute ! sans doute ! dirent les autres.

Je me tournai brusquement vers Zverkov. J’avais tellement souffert, j étais brisé, j’étais prêt à tout pour en finir, fût-ce à me couper la gorge. J’avais la lièvre ; mes cheveux mouillés par la sueur étaient collés sur mon front et mes tempes.

— Zverkov ! Je vous demande pardon, dis-je brusquement et d’un ton décidé ; Ferfitchkine à vous aussi, à tous, à tous, je vous ai tous offensés.

— Ah ! Ah ! C’est a cause du duel ! siffla venimeusement Ferfitchkine.