Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/164

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se sauvant, elle rougit toute, ses yeux brillèrent, un sourire parut sur ses lèvres. Qu’était-ce donc ? Je dus attendre ; elle revint un instant après avec un regard qui paraissait demander pardon. D’ailleurs ce n’était plus le même visage, ni le même regard qu’avant — morne, méfiant et obstiné. Maintenant, son regard était doux, suppliant et, en même temps, confiant, tendre, timide. Tel est le regard des enfants qui aiment beaucoup quelqu’un et lui demandent quelque chose. Ses yeux étaient brun clair, admirables, vivants, sachant refléter l’amour et le morne dégoût.

Sans rien m’expliquer— comme si j’étais quelque être supérieur, devant tout savoir sans explication, — elle me tendit un papier. Son visage s’éclaira à cet instant d’un triomphe naïf, presque enfantin. Je dépliai le papier. C’était une lettre qui lui avait été adressée par quelque étudiant en médecine, ou autre, — une déclaration très pompeuse, dans un style très élevé, mais aussi très respectueux. Je ne me souviens plus des expressions, mais je me rappelle fort bien, qu à travers le style élevé perçait un sentiment vrai, qu’il était impossible de feindre. Quand j’eus lu, je rencontrai fixé sur moi son regard ardent, plein de curiosité et d’une impatience enfantine. Elle ne détachait pas ses yeux de mon visage, et attendait avec impatience ce que je dirais. En quelques mots, à la hâte, elle expliqua joyeusement et avec une certaine