Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/228

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fortunes et d’un prolétariat producteur… » Ignati Prokovitch parle fort bien ; c’est un véritable orateur. Il a l’intention de présenter un mémoire en haut lieu, un mémoire qu’il publiera ensuite dans Le Messager. Nous sommes loin des rêveries d’Ivan Matveïtch…

— Eh bien, qu’allons-nous faire pour Ivan Matveïtch ? interrompis-je. J’avais laissé bavarder le vieillard, sachant que c’était un de ses travers et qu’il ne lui déplaisait pas de montrer qu’il n’était pas aussi en retard que cela et qu’il se tenait au courant de tout.

— Que faire pour Ivan Matveïtch ? Mais tout ce que je viens de dire se rapporte à lui. Nous faisons tous nos efforts pour amener chez nous les capitaux étrangers et, à peine la fortune du propriétaire du crocodile s’est-elle doublée du fait d’Ivan Matveïtch, que nous prétendons crever le ventre de sa bête ! Voyons, est-ce que ça a le sens commun ? A mon avis, en vrai fils delà Patrie, Ivan Matveïtch doit se réjouir, s’enorgueillir d’avoir pu doubler la valeur d’un crocodile étranger, rien que par son intervention. Que dis-je, doublé ? Triplé ! Ce montreur de crocodile ayant réussi, il en viendra un autre avec un autre crocodile, puis un troisième surviendra qui amènera deux ou trois bêtes. Autour d’eux, les capitaux se grouperont et voilà le commencement d’une bourgeoisie. On ne saurait assez encourager ce mouvement.