Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/229

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— Mais, exclamai-je, Thimothéï Semionitch, c’est une abnégation presque surhumaine que vous exigez de ce pauvre Ivan Matveïtch ! — Je n’exige rien et je vous prie de vous rappeler que je ne suis pas un chef comme je vous en ai prévenu et que, par conséquent, je n’ai rien à exiger. Je parle en fils de la patrie, non pas en Fils de la Patrie, mais, tout simplement en fils de la patrie. Je vous le demande encore : qui donc lui a ordonné d’aller se fourrer dans ce crocodile ? Un homme sérieux. titulaire d’un certain grade, marié légitimement. qui va tout à coup se fourvoyer en une pareille aventure ! A quoi ça ressemble-t-il ?

— Mais la circonstance est tout à fait indépendante de sa volonté !

— Qui sait ? Et puis, avec quel argent indemniser le propriétaire du crocodile ?

— Eh bien, mais les appointements d’Ivan Matveïtch…

— Y suffiraient-ils ?

— Hélas non, Timotheï Semionitch ! fis-je avec tristesse. Au début de l’affaire, le montreur de crocodile craignait de voir éclater sa bête, mais, quand il se fut assuré que tout allait bien, il devint arrogant et c’est avec une sorte de volupté qu’il doubla le prix demandé tout d’abord.

— Dites qu’il pourra le tripler, le quadrupler ! Le publie va affluer et ces montreurs de crocodiles sont gens fort habiles. De plus, nous sommes en carna-