Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/101

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a fait souvent, en confondant l’un avec l’autre deux mots très différents. Leconte de Lisle veut que la poésie soit impersonnelle, mais il ne prétend pas que le poète doive être impassible. Et c’est ce terme dont on s’est servi maintes t’ois contre Leconte de Lisle et son école. On leur a dit : " Vous êtes des impassibles." Bien, qu’est-ce que c’est qu’un poète qui est impassible ? Si un poète ne sent rien, c’est donc qu’il n’a rien à nous dire, il faut qu’il se taise. L’impassibilité, ce n’est pas la même chose que l’impersonnalité : on peut sentir très vivement, mais sentir, pour ainsi parler d’une façon générale et sans rappeler, comme c’était le fait des romantiques, les incidents particuliers de sa biographie. C’est ce que vous allez bien voir dans une des pièces les plus significatives de Leconte de Lisle ; dans la belle pièce qui est intitulée Midi, vous allez voir les deux aspects du talent de Leconte de Lisle. D’une part, Leconte de Lisle est celui des écrivains du XIXe siècle qui a fait en France les vers les plus complets, connue rendu, comme expression, comme harmonie sonore ; c’est celui qui, dans ses descriptions, s’est rapproché davantage de l’objet lui-même, de la réalité : et, d’autre part, Leconte de Lisle, tout en se soumettant à l’objet, tout en étant un descriptif exact et minutieux et tout en s’interdisant les vaines lamentations, est celui qui nous a fait le mieux comprendre l’espèce de désenchantement profond qui était dans son cœur. Voici la première partie de cette pièce de Midi, et vous