Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/109

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de la fille de Jephté, ne pourroit faire intervenir dans son action qu’un petit nombre d’acteurs très-interessez. Des acteurs qui ne prennent pas un interêt essentiel à l’action, dans laquelle on leur fait joüer un rôle, sont froids à l’excès en poësie. Le peintre au contraire peut faire intervenir à son action autant de spectateurs qu’il le juge convenable. Dès qu’ils y paroissent touchez, on ne demande plus ce qu’ils y font. La poësie ne sçauroit donc se prévaloir d’un si grand nombre d’acteurs. Nous venons de dire qu’un personnage qui ne prend qu’un interêt médiocre dans l’action, devient un personnage ennuieux. S’il y prend un grand interêt, il faut que le poëme fixe sa destinée, et qu’il nous en instruise. La multitude des acteurs, dont le poëte tragique veut quelquefois soutenir sa sterilité, devient d’ailleurs très-embarassante pour lui quand le dénouëment s’approche, et quand il faut s’en défaire. Il oblige donc ces personnages à se défaire eux-mêmes par le fer ou par le poison sur le premier motif qu’il imagine. L’un meurt vuide de sang, l’autre plein de sené.