Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/110

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C’est un vers de Despreaux qu’on peut bien leur appliquer quoiqu’il ne soit pas fait pour eux. On ne demande point ce que devient un mort, on l’enterre. Mais cette reforme sanglante, qui fait de la scene tragique un champ de bataille, souleve le spectateur contre tant de meurtres si peu vrai-semblables. Ce n’est pas la quantité du sang répandu, c’est la maniere dont il est versé qui fait le caractere de la tragedie. D’ailleurs le tragique outré devient froid, et l’on est plus porté à rire d’un poëte, qui croit devenir pathetique à force de verser du sang, qu’à pleurer à sa piece. Quelque esprit malin envoïe lui demander la liste de ses morts. En continuant de comparer la poësie dramatique avec la peinture, nous trouverons encore que la peinture a l’avantage de pouvoir mettre sous nos yeux ceux des incidens de l’action qu’elle traite, qui sont les plus propres à faire une grande impression sur nous. Elle peut nous faire voir Brutus et Cassius plongeans le poignard dans le cœur de Cesar, et le prêtre enfonçant le couteau dans le sein d’Iphigenie. Le poëte tragique oseroit aussi peu nous présenter