Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/155

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Pour revenir à la galanterie, un de ses traits énerve souvent l’endroit d’un poëme le plus pathetique. Il fait cesser pour un tems l’affection qu’on avoit prise pour le personnage. Renaud amoureux malgré lui, et parce qu’il est subjugué par les enchantemens d’Armide, m’interesse vivement à sa situation : je suis même touché de sa passion quand il ouvre la scene en disant à sa maîtresse qui le quitte pour un moment : Armide vous m’allez quitter, et lorsqu’il ne lui replique, après qu’elle lui a dit le motif important qui l’oblige à s’éloigner de lui, que les mêmes paroles qu’il lui avoit déja dites : Armide vous m’allez quitter, Renaud me paroît alors un homme livré tout entier à l’amour. L’amour ne sçauroit mieux se faire sentir que par cette repetition : c’est la marque de l’yvresse de la passion que de n’entendre pas les raisons qu’on lui oppose. Mais un moment après Renaud devient un

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