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sur la Poësie & sur la Peinture.

le reflechir & mediter.

L’ame trouve penible, & même impraticable quelquefois, cette seconde maniere de s’occuper ; principalement quand ce n’est pas un sentiment actuel ou recent qui est le sujet des reflexions. Il faut alors que l’ame fasse des efforts continuels pour suivre l’objet de son attention ; & ces efforts rendus souvent infructueux par la disposition présente des organes du cerveau, n’aboutissent qu’à une contention vaine & sterile. Ou l’imagination trop allumée ne présente plus distinctement aucun objet, & une infinité d’idées sans liaison & sans rapport s’y succedent tumultueusement l’une à l’autre ; ou l’esprit las d’être tendu se relâche ; & une rêverie morne & languissante, durant laquelle il ne joüit précisement d’aucun objet, est l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper lui-même. Il n’est personne qui n’ait éprouvé l’ennui de cet état où l’on n’a point la force de penser à rien, & la peine de cet autre état, où malgré soi l’on pense à trop de choses, sans pouvoir se fixer à son choix sur aucune chose. Peu de personnes mêmes sont assez heureuses pour n’éprouver que rarement un de ces deux états, & pour être