Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ordinairement à elles-mêmes une bonne compagnie. Un petit nombre peut apprendre cet art qui, pour me servir de l’expression d’Horace, fait vivre en amitié avec soi-même : quod te tibi reddat amicum. Il faut pour en être capable avoir un certain temperament d’humeurs qui rend ceux qui l’apportent en naissant aussi obligez à la providence que les fils aînez des souverains. Il faut encore s’être appliqué dès la jeunesse à des études et à des occupations dont les travaux demandent beaucoup de meditation. Il faut que l’esprit ait contracté l’habitude de mettre en ordre ses idées et de penser sur ce qu’il lit ; car la lecture où l’esprit n’agit point et qu’il ne soutient pas en faisant des reflexions sur ce qu’il lit, devient bientôt sujette à l’ennui. Mais à force d’exercer son imagination on la dompte, et cette faculté renduë docile fait ce qu’on lui demande. On acquiert à force de mediter l’habitude de transporter à son gré sa pensée d’un objet sur un autre, ou de la fixer sur un certain objet.

Cette conversation avec soi-même met ceux qui la sçavent faire à l’abri de l’état de langueur et de misere dont nous venons de parler. Mais, comme je l’ai dit, les personnes