Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/19

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qu’un sang sans aigreur et des humeurs sans venin ont prédestinées à une vie interieure si douce, sont bien rares. La situation de leur esprit est même inconnuë au commun des hommes qui, jugeant de ce que les autres doivent souffrir de la solitude par ce qu’ils en souffrent eux-mêmes, pensent que la solitude soit un mal douloureux pour tout le monde.

La premiere maniere de s’occuper dont nous aïons parlé, qui est celle de se livrer aux impressions que les objets étrangers font sur nous, est beaucoup plus facile. C’est l’unique ressource de la plûpart des hommes contre l’ennui ; et même les personnes qui sçavent s’occuper autrement sont obligées, pour ne point tomber dans la langueur qui suit la durée de la même occupation, de se prêter aux emplois et aux plaisirs du commun des hommes. Le changement de travail et de plaisir remet en mouvement les esprits qui commencent à s’appesantir : ce changement semble rendre à l’imagination épuisée une nouvelle vigueur. Voilà pourquoi nous voïons les hommes s’embarasser de tant d’occupations frivoles et d’affaires inutiles. Voilà ce