Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/185

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à bien faire paître leur cher troupeau, n’est pas le genre de vie d’aucun de nos concitoïens. Ce n’est point avec de pareils phantômes que Virgile et les autres poëtes de l’antiquité ont peuplé leurs aimables païsages ; ils n’ont fait qu’introduire dans leurs églogues les bergers et les païsans de leur païs et de leur tems un peu annoblis. Les bergers et les pasteurs d’alors étoient libres de ces soins qui devorent les nôtres. La plûpart de ces habitans de la campagne étoient des esclaves que leurs maîtres avoient autant d’attention à bien nourrir, qu’un laboureur en a du moins pour bien nourrir ses chevaux. Le soin des enfans de ces esclaves regardoit leur maître dont ils faisoient la richesse. D’autres enfin étoient chargez de l’embarras de pourvoir aux necessitez de ces bergers. Aussi tranquilles donc sur leur subsistance que le religieux d’une riche abbaïe, ils avoient la liberté d’esprit necessaire pour se livrer aux goûts que la douceur du climat dans les contrées qu’ils habitoient faisoit naître en eux. L’air vif et presque toujours serain de ces regions subtilisoit leur sang, et les disposoit à la musique, à la poësie et aux plaisirs les