Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/186

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moins grossiers. Beaucoup d’entre eux étoient encore nez ou élevez dans les maisons que leur maître avoit dans les villes, et ce maître ne leur avoit pas plaint une éducation qui tournoit toujours à son profit, soit qu’il voulut vendre ou garder ces esclaves. Aujourd’hui même, quoique l’état politique de ces contrées n’y laisse point les habitans de la campagne dans la même aisance où ils étoient autrefois ; quoiqu’ils n’y reçoivent plus la même éducation, on les voit encore néanmoins sensibles à des plaisirs fort au-dessus de la portée de nos païsans. C’est avec la guitare sur le dos que les païsans d’une partie de l’Italie gardent leurs troupeaux et qu’ils vont travailler à la terre : ils sçavent encore chanter leurs amours dans des vers qu’ils composent sur le champ, et qu’ils accompagnent du son de leurs instrumens. Ils les touchent, sinon avec delicatesse, du moins avec assez de justesse ; c’est ce qui s’appelle improviser. Vida évêque d’Alba dans le seiziéme siecle, et poëte si connu par l’élegance de ses vers latins, nous dépeint les païsans ses compatriotes et ses contemporains tels à peu près que ceux sur lesquels il dit que Virgile avoit moulé