Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/20

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qui les porte à courir avec tant d’ardeur après ce qu’ils appellent leur plaisir, comme à se livrer à des passions dont ils connoissent les suites fâcheuses, même par leur propre experience.

L’inquietude que les affaires causent, ni les mouvemens qu’elles demandent, ne sçauroient plaire aux hommes par eux-mêmes. Les passions qui leur donnent les joïes les plus vives leur causent aussi des peines durables et douloureuses ; mais les hommes craignent encore plus l’ennui qui suit l’inaction, et ils trouvent dans le mouvement des affaires et dans l’yvresse des passions une émotion qui les tient occupez. Les agitations qu’elles excitent se réveillent encore durant la solitude ; elles empêchent les hommes de se rencontrer tête à tête, pour ainsi dire, avec eux-mêmes sans être occupez, c’est-à-dire de se trouver dans l’affliction ou dans l’ennui.

Quand les hommes dégoutez de ce qu’on appelle le monde prennent la resolution d’y renoncer, il est rare qu’ils puissent la tenir. Dès qu’ils ont connu l’inaction, sitôt qu’ils ont comparé ce qu’ils souffroient par l’embarras des affaires et par l’inquietude des passions avec l’ennui de l’indolence, ils viennent à regreter l’état tumultueux