Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/247

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ficta potes multa addere veris. dit Vida. On ne traite point de menteurs les poëtes et les peintres qui le font. La fiction ne passe pour mensonge que dans les ouvrages qu’on donne pour contenir exactement la verité des faits. Ce qui seroit un mensonge dans l’histoire de Charles Vii ne l’est pas dans le poëme de la pucelle. Ainsi le poëte qui feint une avanture honorable à son heros pour le rendre plus grand, n’est pas un imposteur, quoique l’historien qui feroit la même chose passât pour tel. On n’a rien à reprocher au poëte, si son invention ne choque point la vrai-semblance, et si le fait qu’il imagine est tel qu’il ait pû arriver veritablement. Parlons d’abord du vrai-semblable en poësie. Un fait vrai-semblable est un fait possible dans les circonstances où on le fait arriver. Ce qui est impossible en ces circonstances ne sçauroit paroître vrai-semblable. Je n’entens pas ici par impossible ce qui est au-dessus des forces humaines, mais ce qui paroît impossible, même en se prêtant à toutes les suppositions que le poëte sçauroit faire. Comme le poëte est en droit d’exiger de nous que