Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/249

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lesse ou par la convenance du sentiment, soit par la précision de la pensée, soit par la justesse de l’expression, paroissent plats. Tout le monde dit-on, auroit pensé cela. D’un autre côté les sentimens trop merveilleux paroissent faux et outrez. Le sentiment que Du Rier prête à Scevola, dans la tragedie qui porte ce nom, quand il lui fait dire en parlant du peuple romain que Porsenna, auquel il parle, vouloit affamer : se nourrira d’un bras et combattra de l’autre. Devient aussi comique par l’exageration qu’il renferme, qu’aucun trait de L’Arioste. Il ne me paroît donc pas possible d’enseigner l’art de concilier le vrai-semblable et le merveilleux. Cet art n’est qu’à la portée de ceux qui sont nez poëtes, et grands poëtes. C’est à eux qu’il est reservé de faire une alliance du merveilleux et du vrai-semblable, où l’un et l’autre ne perdent pas leurs droits. Le talent de faire une telle alliance est ce qui distingue éminemment les poëtes de la classe de Virgile des versificateurs sans invention, et des poëtes extravagans. Voilà ce qui distingue ces poëtes illustres