Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/250

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des auteurs plats, et des faiseurs de romans de chevalerie, tels que sont les amadis. Ces derniers ne manquent pas certainement de merveilleux. Au contraire ils en sont remplis ; mais leurs fictions sans vrai-semblance, et les évenemens trop prodigieux, dégoutent les lecteurs dont le jugement est formé, et qui connoissent les auteurs judicieux. Un poëme qui peche contre la vrai-semblance est d’autant plus vicieux que son défaut est sensible à tout le monde. Nous avons une tragedie de M Quinault, intitulée le faux Tiberinus, où le poëte suppose que Tiberinus roi d’Albe étant mort dans une expedition, un de ses generaux, afin d’empêcher le découragement des troupes, dérobe à leur connoissance la mort du roi. Pour mieux cacher l’accident, il fait soutenir à son propre fils le personnage du roi Tiberinus, à la faveur d’une ressemblance parfaite qui se trouvoit entre le roi et Agrippa. C’est le nom de ce fils qui passe pour Tiberinus. Son pere suppose encore, pour mieux cimenter l’imposture, que le roi mort a fait tuer secretement Agrippa. Tout le roïaume d’Albe s’y méprend un an durant,

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